DĂ©finitionrĂ©flexion. avec . rĂ©flexion est employĂ© comme nom fĂ©minin singulier. EmployĂ© comme nom. 1. action de rĂ©flĂ©chir en concentrant sa pensĂ©e sur une question donnĂ©e 2. conclusion ainsi obtenue 3. action de se rĂ©flĂ©chir en parlant de la lumiĂšre, d'une onde, d'un son 4. remarque faite Ă soi-mĂȘme ou aux autres. Quelques mots au hasard. banal - prudent - tĂ©lĂ©phoner
La conscience est un pouvoir de reprĂ©sentation permettant Ă l'homme d'avoir la connaissance des choses et de lui-mĂȘme. Il sait qu'elles existent et il a la connaissance immĂ©diate de sa propre existence ainsi que de ses Ă©tats et de ses actes. Le terme signifie Ă©tymologiquement avec la connaissance de ». La conscience est un savoir accompagnant la vie, les pensĂ©es et les actes d'une personne. C'est mĂȘme, si l'on en croit Locke, la conscience de soi qui fonde la possibilitĂ© de se savoir une seule et mĂȘme personne tout au long de sa vie. En ce sens il semble y avoir une Ă©quivalence entre la conscience de soi et la connaissance de soi. Pourtant suffit-il de s'apercevoir, de se donner la reprĂ©sentation de soi-mĂȘme pour prĂ©tendre avoir une vĂ©ritable connaissance de soi ? La notion de connaissance connote en effet l'idĂ©e d'un savoir obĂ©issant Ă une exigence de luciditĂ© et d'objectivitĂ©. ConnaĂźtre en ce sens consiste Ă dĂ©jouer les puissances trompeuses promptes Ă abuser l'esprit dans sa recherche de la vĂ©ritĂ©. La notion connote aussi celle d'un effort d'intelligibilitĂ©. ConnaĂźtre consiste Ă rendre raison des choses par l'intelligence des causes, celles-ci n'Ă©tant jamais donnĂ©es mais dĂ©couvertes par un exigeant travail de recherche. Si l'on donne Ă la notion de connaissance, son sens fort, il ne va donc plus du tout de soi que la conscience de soi soit une connaissance de soi. Le doute s'impose, par ailleurs, car nous faisons souvent l'expĂ©rience de l'opacitĂ© de notre ĂȘtre. Nous sommes tristes mais nous ne comprenons pas pourquoi, nous sommes traversĂ©s par un dĂ©sir mais il nous Ă©tonne. Nous soupçonnons, dans telle situation, qu'il y a en nous quantitĂ© de choses dont nous ignorons l'existence et nous dĂ©couvrons parfois dans la stupĂ©faction, l'Ă©cart existant entre l'image que nous nous faisons de nous-mĂȘmes et celle que les autres nous renvoient. Pire, nous nous surprenons Ă nous mentir et Ă mentir aux autres comme s'il Ă©tait impossible d'assumer certaines dimensions de notre ĂȘtre. Et il faut souvent la mĂ©diation d'autrui ou de certaines Ă©preuves pour nous dessiller et comprendre que nous ne sommes pas ce que nous avions l'illusion d'ĂȘtre. Il apparaĂźt donc que la conscience de soi, qui est une condition nĂ©cessaire de la connaissance de soi, n'en est pas une condition suffisante. La question est alors de savoir pourquoi il en est ainsi. Qu'est-ce qui expose la conscience de soi Ă l'illusion et la condamne souvent Ă ĂȘtre une mĂ©connaissance de soi ? Pour autant, le terme de connaissance est-il appropriĂ© pour dĂ©signer l'opĂ©ration permettant de se saisir dans son identitĂ© humaine et dans son identitĂ© personnelle ? Car le propre d'un sujet est de ne pas avoir la consistance et la permanence des objets. Si la connaissance implique des procĂ©dures d'objectivation, n'est-elle pas par principe condamnĂ©e Ă manquer l'identitĂ© d'un sujet ? Et qu'est-ce que le sujet ou le moi en dehors de la conscience qu'il a de lui-mĂȘme ? Une fiction peut-ĂȘtre comme le montre Hume, auquel cas la conscience de soi n'aurait pas d'objet et si elle en a un, elle est disqualifiĂ©e par la rĂ©flexion prĂ©cĂ©dente dans toute prĂ©tention Ă l'objectivitĂ©. Alors faut-il renoncer Ă la connaissance de soi-mĂȘme ou bien faut-il comprendre que l'identitĂ© humaine et l'identitĂ© personnelle sont plus un projet qu'une donnĂ©e ; une dĂ©cision qu'un ĂȘtre ; une destinĂ©e qu'un destin? Si c'est bien ainsi qu'il faut interprĂ©ter le connais-toi toi-mĂȘme » socratique, cela signifie que seule la conscience d'ĂȘtre un esprit ou une libertĂ© est une vĂ©ritable connaissance de soi. Mais cette connaissance est une tĂąche Ă assumer, non le savoir objectif d'un supposĂ© objet. I La conscience de soi est une connaissance immĂ©diate de soi-mĂȘme et du monde. La conscience est la modalitĂ© d'existence de l'ĂȘtre humain. DĂšs que la conscience s'Ă©veille c'est le monde qui surgit avec moi et autrui situĂ©s en lui. Impossible d'Ă©chapper au savoir de sa propre existence, Ă l'intuition de ses Ă©tats et de ses actes. Je fais tel geste et mĂȘme si c'est sous une forme confuse j'en ai conscience. Je m'ennuie dans ce cours et je le sais. Certes la conscience peut ĂȘtre vague, engluĂ©e dans les automatismes, reste que dĂšs qu'il y a conscience il y a connaissance. Il y a mĂȘme sentiment d'ĂȘtre une seule et mĂȘme personne tout au long de sa vie car Ă©tant toujours prĂ©sent par la conscience Ă moi-mĂȘme, je vis la multiplicitĂ© et la diversitĂ© de mes Ă©tats comme miens. La conscience est donc une forme immĂ©diate de connaissance or une connaissance immĂ©diate peut-elle ĂȘtre une vĂ©ritable connaissance ? Sous sa forme spontanĂ©e, la conscience n'est-elle pas exposĂ©e au prĂ©jugĂ©, Ă l'illusion, Ă la naĂŻvetĂ©, aux piĂšges des fausses Ă©vidences ? Platon a pointĂ© dans l'allĂ©gorie de la caverne les risques d'un rapport au rĂ©el non mĂ©diatisĂ© par la rĂ©flexion et l'ascĂšse de notre part sensible. Le danger est toujours de confondre l'apparence des choses avec les choses elles-mĂȘmes. Par exemple, pour ce qui concerne notre question, est-il possible pour un sujet d'entretenir avec lui un rapport soucieux d'objectivitĂ© ? N'est-il pas beaucoup trop intĂ©ressĂ© Ă construire une image gratifiante de lui-mĂȘme pour ĂȘtre le meilleur placĂ© pour se connaĂźtre ? Ce soupçon invite Ă poser la question du statut de l'introspection et Ă comprendre que sans la distance de l'extĂ©rioritĂ© et de l'objectivitĂ©, il est vain de prĂ©tendre Ă une connaissance objective de quoi que ce soit. Or dans le cas de la connaissance de soi, il est impossible de disjoindre le sujet et l'objet de la connaissance. De mĂȘme, peut-il entrevoir que ce moi qu'il a conscience d'ĂȘtre est peut-ĂȘtre introuvable dĂšs lors qu'on se mĂȘle de le chercher sĂ©rieusement ? Chacun parle, en effet, spontanĂ©ment de lui comme s'il Ă©tait un ĂȘtre ayant une consistance et une permanence propres. Et les illusions intimistes sont monnaie courante. On invoque un moi profond », qui serait Ă retrouver derriĂšre les multiples visages que chacun est pour chacun comme si la personne Ă©tait quelque chose en dehors des rĂŽles sociaux qu'elle incarne, des actes qui la rĂ©vĂšlent ou des mĂ©tamorphoses qu'elle subit. Or la rĂ©flexion pascalienne sur le moi nous affranchit de cette naĂŻvetĂ©. Le moi est inassignable car tout ce qui le caractĂ©rise dans sa singularitĂ© concrĂšte est multiple, divers et pĂ©rissable. Alors pourquoi ne peut-on pas Ă©tablir l'Ă©quivalence de la conscience de soi et de la connaissance de soi ? II Une connaissance non mĂ©diatisĂ©e n'est pas une vĂ©ritable connaissance. La conscience de soi est mĂ©connaissance de soi. Ce dĂ©veloppement exige d'exploiter les thĂšmes suivants Pascal et sa critique de l'intĂ©rĂȘt ou de l'amour-propre. Pascal souligne combien la conscience immĂ©diate est investie par des affects, des dĂ©sirs, des intĂ©rĂȘts sensibles. Ses reprĂ©sentations sont construites sur d'autres exigences que le souci de la vĂ©ritĂ©. D'oĂč les images de soi que chacun construit Ă son avantage et l'hostilitĂ© Ă l'Ă©gard de tous ceux qui dĂ©rangent Narcisse dans ses aveuglements. Cf. PensĂ©e B82 Notre propre intĂ©rĂȘt est encore un merveilleux instrument pour nous crever les yeux agrĂ©ablement. Il n'est pas permis au plus Ă©quitable homme du monde d'ĂȘtre juge en sa propre cause ». PensĂ©e B 100 La nature de l'amour-propre et de ce moi humain est de n'aimer que soi et de ne considĂ©rer que soi. Mais que fera-t-il ? Il ne saurait empĂȘcher que cet objet qu'il aime ne soit plein de dĂ©fauts et de misĂšres il veut ĂȘtre grand, et il se voit petit ; il veut ĂȘtre heureux, et il se voit misĂ©rable; il veut ĂȘtre parfait, et il se voit plein d'imperfections ; il veut ĂȘtre l'objet de l'amour et de l'estime des hommes, et il voit que ses dĂ©fauts ne mĂ©ritent que leur aversion et leur mĂ©pris. Cet embarras oĂč il se trouve produit en lui la plus injuste et la plus criminelle passion qu'il soit possible de s'imaginer; car il conçoit une haine mortelle contre cette vĂ©ritĂ© qui le reprend, et qui le convainc de ses dĂ©fauts. Il dĂ©sirerait de l'anĂ©antir, et, ne pouvant la dĂ©truire en elle-mĂȘme, il la dĂ©truit, autant qu'il peut, dans sa connaissance et dans celle des autres; c'est-Ă -dire qu'il met tout son soin Ă couvrir ses dĂ©fauts et aux autres et Ă soi-mĂȘme, et qu'il ne peut souffrir qu'on les lui fasse voir, ni qu'on les voie. C'est sans doute un mal que d'ĂȘtre plein de dĂ©fauts mais c'est encore un plus grand mal que d'en ĂȘtre plein et de ne les vouloir pas reconnaĂźtre, puisque c'est ajouter encore celui d'une illusion volontaire ». Sartre et la thĂ©matique de la mauvaise foi. Mensonge Ă soi et mensonge aux autres car il est difficile d'assumer les multiples responsabilitĂ©s qui nous incombent tant dans notre facticitĂ© que dans notre transcendance. Notre libertĂ© nous angoisse et nous expose sans cesse Ă nous dĂ©fausser d'une certaine vĂ©ritĂ© de nous-mĂȘmes parce qu'elle nous dĂ©range. Rien n'est plus inaccessible Ă l'homme que la sincĂ©ritĂ© puisqu'il n'existe pas dans l'identitĂ© de soi avec soi et l'authenticitĂ© n'est pas la vertu la mieux partagĂ©e. Il y faut un courage qui fait la plupart du temps dĂ©faut. Ici, il est intĂ©ressant de pointer cette tendance si courante du sujet Ă s'identifier Ă son rĂŽle social. On pense bien sĂ»r Ă l'analyse sartrienne du garçon de cafĂ©. Il joue avec un tel sĂ©rieux son rĂŽle qu'il se prend pour un garçon de cafĂ©, qu'il confond sa personne avec son personnage. Et l'on observe que lorsque le rĂŽle est gratifiant, la personne a l'impression de "n'ĂȘtre plus rien" lorsqu'elle en est dĂ©possĂ©dĂ©e. Drame des disqualifications, de la retraite. "Dans toute carriĂšre publique, une fois que l'on a construit son personnage et que le bruit qu'il fait revient Ă son auteur et lui enseigne ce qu'il paraĂźt, celui-ci joue son personnage ou plutĂŽt son personnage le joue" ValĂ©ry MĂ©langes. Freud et le thĂšme de l'inconscient. S'il est vrai, comme l'analyse Freud, que notre psychisme est pour l'essentiel inconscient, il est clair que la conscience de soi ne peut pas ĂȘtre le moyen de se connaĂźtre. Le moi en est rĂ©duit Ă se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe en dehors de sa conscience dans sa vie psychique ». Freud montre que la luciditĂ© est barrĂ©e par principe car ce qu'il appelle inconscient, c'est l'Ă©cart entre le sens que chacun donne consciemment Ă ses faits et gestes et le sens que ces mĂȘmes faits et gestes ont dans l'interprĂ©tation analytique. Seule la mĂ©diation d'un analyste permet au sujet de nouer un rapport plus lucide avec lui-mĂȘme. Descartes et le thĂšme de l'opacitĂ© de l'union de l'Ăąme et du corps, les phĂ©nomĂ©nologues et le thĂšme de l'opacitĂ© du corps. Etre l'union d'une Ăąme et d'un corps Descartes ou ĂȘtre un corps phĂ©nomĂ©nologie c'est vivre d'une vie qui n'est pas transparente Ă l'entendement. J'ai bien conscience de ma dĂ©prime passion de l'Ăąme mais sa genĂšse, les causes qui l'expliquent me demeurent inconnues. Ainsi en est-il chaque fois que mes Ă©tats ne procĂšdent pas de l'initiative de ma pensĂ©e. Je subis dans la confusion mes Ă©tats d'Ăąme. Ma seule libertĂ© consiste Ă me disposer d'une maniĂšre raisonnable Ă leur endroit. Ce que Descartes appelle faire un bon usage des passions de l'Ăąme». Idem pour ce qui se passe dans mon corps. Pour l'essentiel je l'ignore. J'ai bien conscience de mon corps mais je suis privĂ© de la connaissance de sa vie propre. Spinoza et le thĂšme du rapport imaginaire Ă soi-mĂȘme. Les hommes ont conscience de leurs actes mais ils ignorent les causes qui les dĂ©terminent. Seule la connaissance rationnelle, peut dĂ©raciner les prĂ©jugĂ©s en permettant une connaissance adĂ©quate. L'objectivitĂ©, la vĂ©ritĂ© d'une connaissance sont des conquĂȘtes non des donnĂ©es immĂ©diates. Sartre et le thĂšme de la nĂ©cessaire mĂ©diation d'autrui. Sans la distance que me donne sur moi-mĂȘme le regard de l'autre, je ne suis guĂšre en situation de rompre l'intimitĂ© de moi avec moi afin de me voir comme une conscience peut me voir. Le regard d'autrui en me chosifiant me met en demeure d'advenir Ă la dimension de la conscience, celle-ci ne s'actualisant que comme mouvement de division, d'Ă©cart de soi Ă soi. Le thĂšme de la nĂ©cessaire mĂ©diation des Ă©preuves et du temps. On peut jouer en imagination quantitĂ© de personnages. Celui du hĂ©ros ou au contraire celui du poltron. On peut rĂȘver disposer d'une libertĂ© sans limites. Seule l'Ă©preuve de la rĂ©alitĂ© nous permettra de prendre la mesure de notre courage ou de notre lĂąchetĂ© et de la marge de manoeuvre de notre libertĂ©. Par exemple, je pensais dans les temps heureux de la santĂ© que dans la maladie implacable je demanderais Ă en finir et je dĂ©couvre que je lutte pour sauver un ultime Ă©clair de vie ; je pensais que la peur de mourir me rendrait lĂąche et je me dĂ©couvre courageux. Je me croyais capable de soulever des montagnes et je m'aperçois que je baisse les bras Ă la premiĂšre difficultĂ©. Cf. St ExupĂ©ry dans Terre des hommes La terre nous en apprend plus long sur nous-mĂȘmes que tous les livres. Parce qu'elle nous rĂ©siste. L'homme se dĂ©couvre quand il se mesure avec l'obstacle. Mais pour l'atteindre, il lui faut un outil. Il lui faut un rabot ou une charrue. Le paysan dans son labour arrache peu Ă peu quelque secret Ă la nature, et la vĂ©ritĂ© qu'il dĂ©gage est universelle. De mĂȘme l'avion, l'outil des lignes aĂ©riennes, mĂȘle l'homme Ă tous les vieux problĂšmes » et bien sĂ»r Ă celui, ici, des conditions concrĂštes de la connaissance de soi. Sartre a dit cela aussi, d'une maniĂšre terrible pour tous les hommes qui, au lieu de se faire ĂȘtre, se contentent de se rĂȘver. L'homme n'est rien d'autre que son projet, il n'existe que dans la mesure oĂč il se rĂ©alise, il n'est rien d'autre que l'ensemble de ses actes, rien d'autre que sa vie. D'aprĂšs ceci, nous pouvons comprendre pourquoi notre doctrine fait horreur Ă un certain nombre de gens. Car souvent ils n'ont qu'une seule maniĂšre de supporter leur misĂšre, c'est de penser Les circonstances ont Ă©tĂ© contre moi, je valais mieux que ce que j'ai Ă©tĂ© ; bien sĂ»r, je n'ai pas eu de grand amour, ou de grande amitiĂ© mais c'est parce que je n'ai pas rencontrĂ© un homme ou une femme qui en fusse digne ... Or, en rĂ©alitĂ©, pour l'existentialiste, il n'y a pas de possibilitĂ© d'amour autre que celle qui se manifeste dans un amour ... Un homme s'engage dans sa vie, dessine sa figure et en dehors de cette figure il n'y a rien » L'existentialisme est un humanisme. 1946. III VanitĂ© d'une connaissance de soi qui n'est pas conscience de la distance sĂ©parant le sujet de toutes ses expressions provisoires et inaccomplies. La connaissance de soi est donc une entreprise qui excĂšde les possibilitĂ©s de la conscience de soi immĂ©diate. Elle requiert de nombreuses mĂ©diations et est, au fond, toujours inachevĂ©e puisque l'identitĂ© d'un sujet n'est pas fixĂ©e une fois pour toutes. Elle se construit, se remanie continuellement en fonction des leçons de l'expĂ©rience et d'un projet d'existence. L'homme existe et il n'est que ce qu'il se fait, enseigne l'existentialisme. Il s'ensuit qu'on ne peut parler de l'ĂȘtre d'un homme qu'au passĂ©. Oui, il a Ă©tĂ© ceci ou cela mais impossible de dire ce qu'il est, puisque tant qu'il vit, il peut toujours surprendre et se vouloir autre que ce qu'il fut jusque lĂ . Telle est la condition du pour soi, c'est-Ă -dire de l'ĂȘtre impuissant Ă ĂȘtre dans la clĂŽture et la plĂ©nitude de l'en soi. La vraie connaissance de soi n'est donc pas connaissance de ce que l'on est passivement. Certes, une personne intĂšgre de nombreuses donnĂ©es empiriques qu'elle n'a pas choisies. Elle est un homme ou une femme, un blanc ou un noir, un tempĂ©rament apathique ou nerveux etc. Il ne s'agit pas de nier qu'il y a des Ă©lĂ©ments reçus dans l'identitĂ© d'un homme. Mais prĂ©tendre rĂ©duire son ĂȘtre Ă sa dimension de passivitĂ©, c'est s'identifier par sa facticitĂ©. Or, on se demande bien ce que peut ĂȘtre un "moi" en dehors de ce qui assure sa continuitĂ©, c'est-Ă -dire en dehors de la conscience qu'il a de lui-mĂȘme. Un mythe dit Hume et Montaigne, fin analyste de l'expĂ©rience humaine avoue "Je ne peins pas l'ĂȘtre, je peins le passage". C'est dire que toute rĂ©ification de soi dans l'invocation d'un prĂ©tendu ĂȘtre qui serait donnĂ© hors de la dĂ©cision de le faire exister de telle ou telle maniĂšre est une stratĂ©gie de mauvaise foi. Il n'y a pas de sujet hors de l'opĂ©ration par lequel il se pose, pas d'identitĂ© personnelle hors d'un processus d'identification. Le moi n'est pas un objet qui, hors de soi, serait Ă connaĂźtre, c'est un sujet ne prenant consistance que par le mouvement de nier tout ce en quoi il ne peut pas se reconnaĂźtre. C'est dire qu'il n'a pas d'ĂȘtre parce que son ĂȘtre c'est la libertĂ©. Conclusion La conscience de soi n'est pas spontanĂ©ment une connaissance de soi. Il faut, pour prĂ©tendre Ă une connaissance, quelle qu'elle soit, s'affranchir de tout ce qui aveugle car la luciditĂ© et le souci de la vĂ©ritĂ© sont des conquĂȘtes. Il y faut aussi de nombreuses mĂ©diations. Mais il convient de ne pas se tromper sur le sens d'une authentique connaissance de soi. Ce ne peut pas ĂȘtre une connaissance de type scientifique car un sujet ne peut pas ĂȘtre objectivĂ© sans ĂȘtre niĂ©. Se connaĂźtre revient donc, en derniĂšre analyse, Ă se rĂ©flĂ©chir dans sa dignitĂ© de sujet et pour cette opĂ©ration la conscience suffit, Ă condition de prĂ©ciser que cette conscience ne peut pas ĂȘtre la conscience spontanĂ©e. Pour qu'un sujet, une conscience ou une libertĂ© puisse faire l'expĂ©rience pure de son ĂȘtre, l'ascĂšse d'une mĂ©ditation mĂ©taphysique est nĂ©cessaire. Descartes a donnĂ© la mesure d'un tel exercice rĂ©flexif. Et cette mĂ©ditation a ceci de singulier qu'elle est moins dĂ©voilement d'une essence qu'assignation Ă une tĂąche spirituelle et morale. Partager Marqueursamour-propre, condition nĂ©cessaire, condition suffisante, connaissance, conscience de soi, conscience immĂ©diate, conscience rĂ©flĂ©chie, conscience spontanĂ©e, illusion, mauvaise foi, regard d'autrui
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Depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie, nombreux sont celles et ceux de nos amis, pas spĂ©cialement versĂ©s dans la spiritualitĂ© et souvent SRF » sans religion fixe qui sâinscrivent Ă des stages de chamanisme, regardent des vidĂ©os sur les Ă©tats modifiĂ©s de conscience EMC ou lisent des ouvrages sur le fĂ©minin sacrĂ©. Avec une constante tout sâest effondrĂ© et, dans un climat troublĂ©, câest le moment de changer et de sâautoriser, pour retrouver un peu de sens, Ă ĂȘtre enfin soi. Comme si nous ne lâĂ©tions pas jusque-lĂ ? Mais quâest-ce que cela veut dire, au juste, devenir soi » ? Et pour faire quoi ?En quĂȘte de soiDevenir pleinement et sereinement soi, Les 5 Blessures qui empĂȘchent dâĂȘtre soi-mĂȘme, Devenir soi la voie essentielle⊠Chez Zeugma, belle librairie gĂ©nĂ©raliste de Montreuil, en rĂ©gion parisienne, les ouvrages de dĂ©veloppement personnel accueillent le lecteur dĂšs lâentrĂ©e. Le rayon se dĂ©veloppe Ă©normĂ©ment depuis la crise sanitaire, avec une augmentation de 46 % du chiffre dâaffaires cette annĂ©e, explique Lucile Samak, fondatrice du lieu. Les gens sont tellement bombardĂ©s dâinformations face auxquelles ils sont impuissants quâils viennent chercher dans ces livres de quoi se recentrer, des conseils pour changer ce qui est Ă leur portĂ© leur vie, la façon de prendre soin de leur corps, de leur esprit. »â Ă LIRE. IdentitĂ©, en parler sans se fĂącher », notre dossierLe marchĂ© de ces ouvrages, Ă la fois refuges rassurants et promesse de nouvelles expĂ©riences, a rarement Ă©tĂ© aussi florissant selon les derniers chiffres du Syndicat national de lâĂ©dition SNE, le secteur bien-ĂȘtre, santĂ© et dĂ©veloppement personnel » a vu son chiffre dâaffaires progresser de 7,5 % dans un marchĂ© qui a globalement pĂąti du Covid avec, par exemple, une chute spectaculaire de 25 % du secteur livres religieux », domaine apportant pourtant Ă©galement des rĂ©ponses Ă cette quĂȘte intĂ©rieure. Un paradoxe ? Pas vraiment. Ces livres rĂ©pondent eux aussi Ă une vraie soif de spiritualitĂ©, mais qui prend dâautres voies que les religions traditionnelles, poursuit Lucile Samak, avec lâĂ©cologie ou le fĂ©minisme comme terrain dâaction. »Les pages des livres dĂ©roulent un discours positif et valorisant autour de notre place particuliĂšre Ă tenir sur cette terre. / Pascal LemaĂźtre/La Croix Au fil de ces pages se dĂ©roule un discours positif et valorisant autour de notre place particuliĂšre Ă tenir sur cette terre⊠à la seule condition dâun changement profond, suivant diffĂ©rentes mĂ©thodes appelant autant au travail sur le corps, au changement de nos habitudes quâĂ la relecture de notre histoire et de nos dĂ©sirs exercices, routines quotidiennes, pensĂ©es positives et rĂ©gimes alimentairesâŠ. Ă la clĂ©, la promesse de rĂ©ussir sa vie » en restant loin des normes matĂ©rialistes en vigueur et en osant sâaccomplir » sans se soucier du regard des autres, avec une estime de soi regonflĂ©e. Une rĂ©volution intĂ©rieure souvent prĂ©sentĂ©e comme une rupture rapide, radicale⊠et exclusive. Domaine de la performance » La formule âdevenir soiâ pose problĂšme car on est dĂ©jĂ dans le domaine de la performance », analyse Jean-Michel Hirt, psychanalyste, spĂ©cialiste de psychologie clinique interculturelle et auteur de plusieurs essais sur le religieux dans la vie psychique, dont le rĂ©cent Le TĂ©moin des Ă©critures Actes Sud. âOser ĂȘtre soiâ, câest comme oser porter telle couleur, câest dans lâair nĂ©olibĂ©ral du temps. Il faut se vendre donc il faut mettre dans la vitrine la marchandise la plus exaltante et la plus dĂ©sirable. Il faut mĂȘme se dĂ©sirer soi-mĂȘme pour se mettre en reprĂ©sentation. »â ANALYSE. Reconfinement comment contrer la vague de dĂ©pressions ?Ces livres sont souvent lâĆuvre dâinfluenceurs et de coachs de vie, qui prolongent leurs discours dans des vidĂ©os YouTube et sur les rĂ©seaux sociaux, charriant frĂ©quemment un discours spiritualiste qui remet au goĂ»t du jour certaines antiennes du Nouvel Ăge » ayant circulĂ© dans les annĂ©es 1970 et 1980. Associant changement de soi et changement du monde, ces thĂ©ories convoquent, souvent trĂšs rapidement, les neurosciences, la physique quantique, les taux vibratoires du corps ou les Ă©tats modifiĂ©s de conscience EMC, afin dâintroduire lâidĂ©e dâune Ă©nergie vitale » qui permettrait Ă notre conscience de transformer lâesprit en matiĂšre et dâinfluer sur la rĂ©alitĂ© grĂące Ă la force de son dĂ©sir propre. De plus en plus de gens ne se plaisent pas et voudraient ĂȘtre diffĂ©rents⊠mais câest sans limites ! »Jean-Michel Hirt, psychanalyste Cette idĂ©e dâun bonheur Ă la force du poignet, câest lâillusion des illusions !, rĂ©agit Jean-Michel Hirt. Les sentiments dĂ©pressifs liĂ©s Ă la pandĂ©mie et, au-delĂ , Ă la crise Ă©cologique sont trĂšs prĂ©sents, on a envie de croire que lâon pourrait avoir un homme qui serait Ă nouveau naturel, dans une sorte dâharmonie. Mais le malheur, câest que lâharmonie, je ne lâai jamais rencontrĂ©e, ni en moi ni ailleurs. Au fond, la question posĂ©e, câest âça ne va pas, je ne suis pas bien, comment faire pour que ça aille mieux ?â, dans un contexte de montĂ©e de lâinsatisfaction, une sorte de tristesse rĂ©gnante qui a pris des formes plus ou moins pathologiques, avec lâidĂ©e quâon pourrait ĂȘtre autrement que nous-mĂȘmes, que ce soit physiquement ou psychiquement. De plus en plus de gens ne se plaisent pas et voudraient ĂȘtre diffĂ©rents⊠mais câest sans limites ! Cela devient un business, et beaucoup de marchands de bien-ĂȘtre, qui proposent de changer dâapparence ou de se sentir mieux, lâont bien compris. »Pourtant, aussi piĂ©gĂ©e soit-elle, lâexpression parle Ă beaucoup dâentre nous. Oui, car cette interrogation a aussi du bon, continue Jean-Michel Hirt. Elle correspond Ă une libĂ©ration par rapport Ă une idĂ©e de soi-mĂȘme liĂ©e Ă une forme de culture patriarcale oĂč chacun avait son rĂŽle bien dĂ©fini le pĂšre trĂšs autoritaire voire pĂ©nible Ă vivre, des femmes pas sur un mĂȘme pied dâĂ©galitĂ©, souvent exclues⊠Une culture normĂ©e qui a tenu jusquâĂ la Seconde Guerre mondiale. »Des expĂ©riences qui rĂ©sonnentParfois, loin du pessimisme ambiant, les expĂ©riences de ce devenir soi » sont vives et joyeuses. Enza, ancienne professeure de lettres Ă lâuniversitĂ©, se rappelle Jâavais 6 ou 7 ans. En pleine nature, fascinĂ©e devant une telle immensitĂ©, jâai soudain senti que je nâĂ©tais pas seule ; le monde entier mâappartenait et jâĂ©tais moi, Enza, unique ! Ce souvenir ne mâa jamais quittĂ©e. Jây puisais force et confiance. Puis mes grandes lectures mâont nourrie. Jâai voulu ĂȘtre enseignante pour transmettre ces trĂ©sors qui mâavaient Ă©tĂ© donnĂ©s. Ce fut, trĂšs tĂŽt, un appel impĂ©rieux. Cette injonction, acceptĂ©e avec joie dans lâinnocence, nâa pas toujours Ă©tĂ© facile Ă vivre, mais elle a illuminĂ© ma vie tout le long de chemins souvent difficiles, fidĂšle Ă lâenfant que je fus. » Si vous pouvez dĂ©jĂ aimer et travailler, ce nâest pas si mal ! »FreudLoin des recettes toutes faites, ce devenir soi » est un chemin de vie Ă©minemment personnel et qui Ă©chappe, de fait, Ă toute tentative de rĂ©cupĂ©ration, au cĆur de nos expĂ©riences et de ce que nous pouvons en tĂ©moigner.â ENQUĂTE. Ce que la psychanalyse a encore Ă nous dire Câest partir de ce qui ne va pas pour en faire le tour, prĂ©cise Jean-Michel Hirt, et explorer toutes les dimensions de sa vie psychique en laissant la parole vous emporter, car câest elle qui va mettre en mots lâindividu. Nous ne sommes que ces mots que nous pouvons avoir sur notre compte, sur notre histoire. Il faut apprendre Ă jouer avec ces dissonances, pour Ă©viter la routine, les rĂ©pĂ©titions, comme dans une improvisation de jazz. On peut alors aspirer Ă ĂȘtre un peu moins dans le malaise, Ă connaĂźtre une forme de libertĂ© de vivre et de penser. Freud disait âLa vie nâest pas une chambre dâenfant. Ă lâissue dâune analyse, si vous pouvez dĂ©jĂ aimer et travailler, ce nâest pas si mal !â » Un chemin qui est, peut-ĂȘtre, celui de lâaventure dâune aventure spirituelleAu cĆur de nos sociĂ©tĂ©s matĂ©rialistes, devenir soi » ne serait-elle quâune expression pour dĂ©signer notre recherche dâune existence simplement plus supportable ? Du cĂŽtĂ© des grandes traditions spirituelles, on en retrouve une lecture plus existe bien une part intime et singuliĂšre de chacun dâentre nous dont il faudrait prendre conscience. / Pascal LemaĂŻtre Quâelle soit appelĂ©e soi ou Ăąme, il existe bien une part intime et singuliĂšre de chacun dâentre nous dont il faudrait prendre conscience et aller rechercher par un retournement du regard de lâextĂ©rieur vers lâintĂ©rieur. Une vĂ©ritable conversion », rĂ©sumĂ©e par cette parole de Dieu Ă Abraham dans la GenĂšse Va vers ou pour toi » et poursuivie, avec tant dâautres, dans Les Confessions de saint Augustin Ne tâen va pas au-dehors, rentre en toi-mĂȘme ; au cĆur de lâhomme habite la vĂ©ritĂ©. »â CRITIQUE. Ătre soi-mĂȘme » de Claude RomanoCette quĂȘte de soi, verticale, est frĂ©quemment symbolisĂ©e par la mĂ©taphore de la montagne, vue comme lâimage de lâĂ©panouissement personnel et de la rencontre avec le divin. Câest lâascension du mont Fuji au Japon, pĂšlerinage tant physique que spirituel pour les bouddhistes, la colline Arunachala pour les hindous rĂ©sidence des 33 dieux de la mythologie du Rig-VĂ©da, le mont SinaĂŻ ou le mont Carmel en IsraĂ«l, vignoble de Dieu », ou encore la montagne spirituelle de QĂąf que lâon trouve par exemple dans la cĂ©lĂšbre Ă©popĂ©e mystique du poĂšte persan AttĂąr, Le Langage des rencontre vers sa libertĂ©Mais pourquoi diable entreprendre un voyage si pĂ©rilleux ? Pour se laisser rejoindre par Dieu ou le principe divin selon les traditions afin, ensuite, de mieux rejoindre les autres, libertĂ© intĂ©rieure octroyĂ©e. Pour les chrĂ©tiens, Maxime le Confesseur 580-662 a cette formule Qui est parvenu au sommet de la libertĂ© intĂ©rieure possĂšde la charitĂ©, il ne fait plus de diffĂ©rence entre soi et autrui. » La charitĂ©, premiĂšre des trois vertus thĂ©ologales â qui, avec lâespĂ©rance et la foi, sont les principales forces nĂ©cessaires pour conduire son Ăąme et sa vie selon le christianisme â, est ici centrale pour Ă©tablir cette relation entre soi, Dieu et les autres. DĂ©finie par le catĂ©chisme de lâĂglise catholique, la charitĂ© est celle par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toute chose pour lui-mĂȘme, et notre prochain comme nous-mĂȘme pour lâamour de Dieu ». MĂ©fions-nous de tous les marchands de bonheur »FrĂšre Anthony-Joseph PinelliFruit de cette charitĂ©, Ă dĂ©faut dâextase ou dâunion mystique rĂ©servĂ©e Ă quelques-unes, quelque chose de prĂ©cieux, une amitiĂ©, une communion, que saint Augustin nomme la dilection. Câest, Ă©crit-il dans ses Lettres, LâachĂšvement de toutes nos Ćuvres. ⊠LĂ est la fin ; câest pour lâobtenir que nous courons, câest vers elle que nous courons ; une fois arrivĂ©s, câest en elle que nous nous reposerons. » Un amour pur et spirituel oĂč la paix, la joie et la misĂ©ricorde peuvent sâĂ©prouver. La charitĂ©, ce nâest pas dâĂ©prouver de grands sentiments, explique le frĂšre Anthony-Joseph Pinelli du couvent des Carmes de Paris. Câest engager notre volontĂ© pour faire du bien Ă lâautre. La croissance spirituelle va toujours de pair avec un dĂ©centrement. Mais il faut pour cela que je me laisse dĂ©livrer du narcissisme prĂ©sent dans mon cĆur. MĂ©fions-nous de tous les marchands de bonheur. Une bonne mĂ©thode de discernement consiste Ă se demander qui est au centre celui qui parle ou Dieu ? Le menteur se met au centre, le vĂ©ritable maĂźtre spirituel montre le chemin vers Dieu et laisse libre, y compris de ne pas lâemprunter. Câest la parabole du jeune homme riche dans les Ăvangiles. »Cette ouverture Ă lâautre passe aussi par lâempathie et la compassion. / Pascal LemaĂźtre Un processus individuel, Ă©volutif et libre qui laisse donc la place Ă lâinattendu de la rencontre et nâest pas, par dĂ©finition, maĂźtrisable. Nos trois dimensions â matĂ©rielle le corps, psychique et spirituelle â ne cessent de sâaccorder, de se lier ou de se dĂ©lier, et lâon peut expliquer beaucoup dâĂ©pisodes de sa vie en fonction de ces liaisons ou de ces dĂ©liaisons, observe le psychanalyste Jean-Michel Hirt. Si lâhomme ne vit que dans lâhorizontalitĂ©, sans sa part spirituelle, il est comme mutilĂ©. Devenir soi, câest devenir plus que soi, dans une rupture avec lâhorizontalitĂ©, ce que lâon ne trouve pas du tout dans la perspective du dĂ©veloppement personnel. »â ENTRETIEN. Michel Erman On se prolonge et on se dĂ©passe soi-mĂȘme dans lâami »Cette ouverture Ă lâautre qui passe aussi par lâempathie et la compassion est ce qui permet dâĂ©viter lâillusion dâune toute-puissance sclĂ©rosante. Ce nâest pas ĂȘtre soi qui importe, poursuit Jean-Michel Hirt, mais oser ĂȘtre plus grand que soi. Un dĂ©passement non pas narcissique, mais qui implique lâautre et une forme de verticalitĂ©, qui sâexprime diversement selon les croyances de chacun. Dans la mystique arabo-musulmane, oĂč il nây a pas dâincarnation, la rencontre de cette prĂ©sence divine se rĂ©alise chez quelquâun dâautre, qui peut ĂȘtre nâimporte qui mais dont il faut reconnaĂźtre la face ou part divine particuliĂšre. Câest la thĂ©ophanie. Les mystiques musulmans, comme Ibn Arabi, utilisent frĂ©quemment la mĂ©taphore de âpolir son miroirâ, pour quâun jour, soi-mĂȘme comme un miroir, nous puissions rĂ©flĂ©chir Ă notre tour Ă la face du divin qui nous concerne. »Un travail du corps et de lâespritCette quĂȘte est un travail tout aussi mental que physique. Dans le christianisme, corps et Ăąme forment dâailleurs un tout indissociable, signe de la personne humaine prise dans ses trois dimensions rĂ©conciliĂ©es. Le corps et lâĂąme ne sont jamais sans le monde »François Varillon, Ă©crivainComme lâĂ©crivait François Varillon dans Joie de croire, joie de vivre Bayard LâĂąme nâest jamais sans le corps, le corps nâest jamais sans lâĂąme, le corps et lâĂąme ne sont jamais sans le monde. » Les modes dâaccĂšs Ă cette dimension spirituelle sont trĂšs diffĂ©rents lâascĂšse pour les chrĂ©tiens, la pĂ©nĂ©tration du texte jusquâĂ ĂȘtre texte soi-mĂȘme pour les juifs et dans de trĂšs nombreuses traditions, des formes multiples de mĂ©ditations.â RELIRE. Dans lâhindouisme, des femmes Ă la fois centrales et subordonnĂ©es Dans lâhindouisme, par exemple il existe deux voies mĂ©ditatives dâaccĂšs Ă ce soi », explique Martine Le Peutrec, animatrice au centre parisien inter-religieux Forum 104 de sĂ©ances de mĂ©ditation dans la voie du sage indien Ramana Maharshi, qui a justement centrĂ© son enseignement sur la recherche de la nature ultime de notre rĂ©alitĂ© intĂ©rieure. Il y a une voie directe, le jnana yoga, voie de la connaissance faite dâune introspection qui pose la question âqui suis-je ?â jusquâĂ la source de lâĂȘtre, et une voie de lâabandon, le bhakti yoga, dĂ©votion totale Ă cette force plus grande que nous, et qui correspond Ă lââainsi soit-ilâ chrĂ©tien. » Alors, pour soi, rĂ©flexion ou abandon ? Cela donne⊠à silencieuse, une voie dâaccĂšsLa tradition chrĂ©tienne a dĂ©veloppĂ© une technique de mĂ©ditation Ă©prouvĂ©e, permettant Ă chacun de sâaccomplir sans sâoublier. Lâoraison silencieuse a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©ment dĂ©crite par les deux grands rĂ©formateurs de lâordre du Carmel au XVIe siĂšcle, Jean de la Croix et ThĂ©rĂšse dâAvila. Par rapport Ă dâautres, cette mĂ©ditation a pour spĂ©cificitĂ© non seulement lâintĂ©rioritĂ©, le recueillement, mais surtout la rencontre dâune personne autre que moi le Christ », explique le frĂšre carme dĂ©chaux Anthony-Joseph son livre Le ChĂąteau intĂ©rieur, Ă©crit en 1577, ThĂ©rĂšse dâAvila propose lâimage du chĂąteau pour symboliser lâĂąme, la dimension spirituelle de la personne humaine, capable dâentrer en relation avec Dieu. Elle considĂšre que lâoraison est la porte de ce chĂąteau intĂ©rieur. On dirait un guerrier qui se retire dans une forteresse pour se mettre Ă couvert des attaques de lâennemi, Ă©crit-elle. Ainsi, lâĂąme appelle au-dedans dâelle-mĂȘme tous ses sens et les dĂ©tache des objets extĂ©rieurs avec un tel empire que les yeux du corps se ferment dâeux-mĂȘmes aux choses visibles, afin que ceux de lâĂąme acquiĂšrent un regard plus pĂ©nĂ©trant. » Dans ce chĂąteau, elle dĂ©crit sept demeures, qui balisent lâaventure de lâoraison, depuis le chemin de ronde Ă lâextĂ©rieur, jusquâĂ la demeure la plus intĂ©rieure, oĂč Dieu lui-mĂȘme rĂ©side et dĂ©sire nous unir Ă lui.â EXPLICATION. Lâoraison, une amitiĂ© avec le Christ »Dans ce parcours, une place trĂšs importante est faite Ă la connaissance de soi». La connaissance de nous-mĂȘme est le pain avec lequel il faut, dans cette voie de lâoraison, prendre tous les autres mets », continue ThĂ©rĂšse dâAvila. Cette observation, qui nĂ©cessite intelligence, volontĂ©, persĂ©vĂ©rance mais surtout charitĂ©, est posĂ©e dĂšs la premiĂšre demeure. Quelle ignorance ne serait pas, mes filles, celle dâune personne Ă qui lâon demanderait qui elle est, et qui ne connĂ»t pas elle-mĂȘme ou qui ne sĂ»t pas quel est son pĂšre, quelle est sa mĂšre, ni quel est son pays ! Ce serait lĂ une insigne stupiditĂ©. Or, la nĂŽtre est incomparablement plus grande dĂšs lors que nous ne cherchons pas Ă savoir ce que nous sommes, et que nous ne nous occupons que de notre corps. » Dans lâoraison, câest Dieu qui donne la grĂące de se connaĂźtre vraiment »FrĂšre Anthony-Joseph PinelliMais, pour elle, cette connaissance de soi nâest pas une fin. Ce nâest que le dĂ©but dâune ouverture essentielle, orientĂ©e vers la rencontre du Christ, explique le frĂšre Anthony-Joseph Pinelli. Dans lâoraison, câest Dieu qui donne la grĂące de se connaĂźtre vraiment. Câest sous sa lumiĂšre quâest rĂ©vĂ©lĂ©e la vĂ©ritĂ© la plus profonde de mon ĂȘtre. Elle commence dâailleurs son livre en parlant de la beautĂ© inaliĂ©nable de lâĂąme de toute personne. » Mais que permet cette rencontre avec le Christ ? Ce chemin, Ă©crit ThĂ©rĂšse dans la septiĂšme et derniĂšre demeure du chĂąteau intĂ©rieur, nâa quâun but produire des et dĂ©sorientations Nous sommes appelĂ©s Ă nous dĂ©ployer jusquâĂ âdonner du fruitâ, autour de nous, en portant lâattention aux autres, dĂ©taille Anthony-Joseph Pinelli. Je ne me dĂ©veloppe jamais seulement pour moi-mĂȘme mais pour le bien de tous, et lâauthenticitĂ© de lâunion Ă Dieu dans lâoraison va toujours se mesurer aux effets dans ma propre vie et autour de moi. Celui qui sâimagine ĂȘtre uni Ă Dieu mais se coupe de lâautre est dans lâillusion. ThĂ©rĂšse parle âdâĂąmes encapuchonnĂ©esâ, ces personnes repliĂ©es sur leur propre priĂšre sans sâen rendre compte. »Lâoraison ne consiste pas Ă faire le vide en nous, de sâoublier ou, comme dans les traditions asiatiques, de dissoudre lâindividu lâego dans le grand tout ». Ce qui est fondamental, poursuit le frĂšre carme, est que lâouverture sur plus grand que soi est sans concurrence avec notre ĂȘtre personnel. Au contraire, plus je suis uni au Christ, plus je deviens la personne rĂ©elle que je suis amenĂ© Ă ĂȘtre. »â Ă LIRE. Fabrice Midal La mĂ©ditation ouvre un espace pour rĂ©humaniser le monde »Le chemin, bien sĂ»r, ne se fait pas sans embĂ»ches, et comporte des pĂ©riodes de crises, de dĂ©solations, de dĂ©sorientations, appelĂ©es par Jean de la Croix des nuits ». Et quand ThĂ©rĂšse dâAvila parle du pĂ©chĂ©, câest dâun dĂ©calage par rapport Ă lâamour de Dieu et de son prochain dont il est question. Elle prend lâimage dâun voile noir qui recouvre le chĂąteau de lâĂąme et empĂȘche la lumiĂšre de Dieu, toujours prĂ©sent au plus profond du chĂąteau, de rayonner. Mais la source de lumiĂšre est toujours lĂ . Il y a une circulation entre la connaissance de soi et la connaissance de Dieu la connaissance de soi est ouverte Ă la rencontre de lâAutre quâest Dieu. » Sois toi-mĂȘme, tous les autres sont dĂ©jĂ pris »Oscar Wilde Il nây a pas de recettes, conclut-il. Câest un chemin de libertĂ©, toujours personnel et en communion avec nos frĂšres et sĆurs. » Le but de la vie chrĂ©tienne, comme le disait saint Augustin, est bien Soyez ce que vous voyez, et recevez ce que vous ĂȘtes, le corps du Christ ».Au terme de ce pĂ©riple, simple survol de cette quĂȘte sans fin, dont la destination ne peut ĂȘtre inscrite sur aucune carte dâidentitĂ© sous peine de lâentraver, peut-ĂȘtre faut-il garder en mĂ©moire le bon mot de lâauteur du Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde, contre tous les faux reflets Sois toi-mĂȘme, tous les autres sont dĂ©jĂ pris. » .
LidentitĂ© personnelle est donc fondamentalement liĂ©e au fait de se dire soi-mĂȘme. Il avance aussi une thĂšse tĂ©lĂ©ologique qui tient dans la position suivante : « la visĂ©e de la vie bonne avec et pour autrui dans les institutions justes ». pour lâaccomplir, il faut supposer la reconnaissance de soi et dâautrui. La reconnaissance de soi et la reconnaissance de lâautre sont
âNe rougis pas de ce qui vient de lâopinion, de mĂȘme, ne te soustrais pas Ă ce qui vient de la vĂ©ritĂ©.â EpictĂšte, Sentences, XIV 6 Nous sommes souvent confrontĂ©s, dâune maniĂšre ou dâune autre, au jugement de lâautre, que celui-ci soit juste ou non. A partir de cette sentence dâEpictĂšte, on peut voir se dessiner une attitude ambivalente vis-Ă -vis des jugements que lâautre porte sur nous. DâoĂč cette question, Ă laquelle jâaimerais rĂ©pondre ici dâun point de vue stoĂŻcien que faire du jugement que les autres portent sur nous? Comment rĂ©agir face aux critiques et face aux louanges? Et quel impact le jugement de lâautre peut-il avoir sur nous? Le philosophe face au jugement de lâautre Lâataraxie est le but premier de la philosophie stoĂŻcienne, le bonheur stoĂŻcien Ă©tant dĂ©fini, prĂ©cisĂ©ment, par lâabsence de trouble. Or, les jugements que les autres portent sur moi sont une source constante de troubles. Que ce soit au travail, ou Ă la maison, en privĂ© comme en public, un certain nombre de dĂ©cisions et de propos sont susceptibles, au quotidien, de susciter la louange ou la critique de celles et ceux qui mâentourent. Si la louange ne pose gĂ©nĂ©ralement pas de problĂšme particulier au contraire!, la critique est parfois difficile Ă avaler, en particulier lorsquâelle nâest pas justifiĂ©e, mais aussi lorsquâelle lâest. Il y a donc un travail nĂ©cessaire Ă effectuer sur le jugement que les autres portent sur moi, afin de ne plus ĂȘtre troublĂ©, et dâapprĂ©hender ce jugement de lâautre de maniĂšre rationnelle, ce que proposent les stoĂŻciens, et en particulier EpictĂšte. Tout dâabord, il est important de comprendre, pour EpictĂšte, que le jugement de lâautre fait partie des choses qui ne dĂ©pendent pas de moi âParmi les choses qui existent, les unes dĂ©pendent de nous, les autres ne dĂ©pendent pas de nous. DĂ©pendent de nous jugement de valeur, impulsion Ă agir, dĂ©sir, aversion, en un mot tout ce qui est notre affaire Ă nous. Ne dĂ©pendent pas de nous, le corps, nos possessions, les opinions que les autres ont de nous, les magistratures, en un mot, tout ce qui nâest pas notre affaire Ă nous.â Arrien, Manuel dâEpictĂšte, 1,1 Le jugement que les autres portent sur nous Ă©tant quelque chose qui ne dĂ©pend pas de nous, il est nĂ©cessaire de sâen dĂ©tacher, pour rester libre et non esclave, comme le rappellent ces deux citations du Manuel âLe maĂźtre de chaque homme, câest celui qui a pouvoir sur les choses que cet homme veut, ou bien ne veut pas, soit pour les lui procurer soit pour les lui enlever. Quiconque veut ĂȘtre libre ne doit ni vouloir ni refuser quoi que ce soit des choses qui dĂ©pendent des autres. Sinon, il est nĂ©cessaire quâil soit esclave.â Arrien, Manuel dâEpictĂšte, 14, 2 âSi quelquâun livrait ton corps au premier venu, tu serais indignĂ©; mais, que tu livres ta disposition intĂ©rieure au premier venu, en sorte que, sâil tâinjurie, celle-ci soit plongĂ©e dans le trouble et la confusion, tu nâĂ©prouves pas de honte Ă cause de cela?â Arrien, Manuel dâEpictĂšte, 28 Parce que le jugement de lâautre ne dĂ©pend pas de nous, et parce quâil est important, pour les stoĂŻciens, de prĂ©server notre libertĂ© intĂ©rieure, il ne faut pas rechercher la louange des autres, ni leur approbation, car car cela nous rendrait esclave de leur jugement, jugement que lâon ne peut pas contrĂŽler. Ce qui compte, dĂšs lors, pour le philosophe stoĂŻcien, ce nâest pas le paraĂźtre, mais ce quâil est vraiment. MĂšne-t-il une vie vertueuse? Câest de son choix de vie que le philosophe doit se soucier, et non du regard de lâautre sur lui âSi un jour il tâarrive de te tourner vers lâextĂ©rieur, en voulant plaire Ă quelquâun, sache que tu as abandonnĂ© la rĂšgle de vie que tu as choisie. Contente-toi donc en toute circonstance dâĂȘtre philosophe, mais si tu veux en outre le paraĂźtre, câest Ă toi quâil faut le paraĂźtre et cela suffit.â Arrien, Manuel dâEpictĂšte, 23 âGarde-toi de lâostentation ou de la vantardise. RĂ©vĂšle la mission qui tâa Ă©tĂ© confiĂ©e par Zeus, par tes actes, et, mĂȘme si personne ne le remarque, quâil te suffise dâĂȘtre toi-mĂȘme en bonne santĂ© morale et heureux.â EpictĂšte, Entretiens, III, 24, 118 âUn homme de bien nâagit jamais pour paraĂźtre, mais pour avoir bien agi.â EpictĂšte, Entretiens, III, 24, 50 âDe mĂȘme que le soleil nâattend pas les priĂšres et les incantations pour poindre Ă lâhorizon, mais brille immĂ©diatement et est saluĂ© par tous, toi non plus nâattends pas dâĂȘtre acclamĂ©, applaudi et louĂ© pour bien agir, mais rends volontairement service et, comme lui, tu seras aimĂ©.â EpictĂšte, Sentences, LXXVII 67 âSi tu veux quâon parle bien de toi, apprends Ă bien parler. Et lâayant fait, cherche Ă bien agir, et ainsi tu bĂ©nĂ©ficieras du fait que lâon parle bien de toi.â EpictĂšte, Sentences, XV 7 Ces diffĂ©rentes citations confirment la position dâEpictĂšte le philosophe doit se concentrer sur son action, tĂącher de bien agir, et non chercher Ă plaire. Seule cette attitude lui permettra dâĂ©chapper aux troubles suscitĂ©s par le jugement dâautrui. Le philosophe face aux critiques injustifiĂ©es Il semble, nĂ©anmoins, Ă bien lire la sentence dâEpictĂšte citĂ©e au dĂ©but de ce billet, que lâattitude du philosophe ne sera pas la mĂȘme selon la vĂ©racitĂ© du jugement portĂ© sur lui. Tel jugement vient de lâopinion, et nâest pas justifiĂ©e? Il ne faut pas en tenir compte. Tel jugement est vrai? Il ne faut pas lâĂ©viter, mais le prendre en compte et agir en consĂ©quence. Ce nâest pas la personne qui juge mais la nature du jugement de lâordre de lâopinion, ou, au contraire, de lâordre de la vĂ©ritĂ© qui dĂ©termine la maniĂšre de rĂ©agir du philosophe. Quâen est-il face aux critiques, pour commencer? Face aux critiques injustifiĂ©es, le philosophe stoĂŻcien doit apprendre dans un premier temps Ă supporter la critique et le regard nĂ©gatif de lâautre sur lui, comme le confirment ces deux passages du Manuel dâEpictĂšte âSi tu veux progresser, supporte de paraĂźtre un insensĂ© et un sot, pour ce qui est des choses extĂ©rieures.â Arrien, Manuel dâEpictĂšte, 13 âSi tu dĂ©sires ĂȘtre philosophe, prĂ©pare-toi tout de suite Ă ce que lâon rie de toi, Ă ce que la foule se moque de toi, Ă ce que lâon dise âLe voilĂ qui nous est revenu subitement philosophe!â âDâoĂč nous a-t-il ramenĂ© ce sourcil arrogant?ââ Arrien, Manuel dâEpictĂšte, 22 De mĂȘme, lâhomme politique, lorsquâil agit de maniĂšre juste, ne doit pas tenir compte de la clameur de la foule, comme le rappelle EpictĂšte dans les deux sentences suivantes âComme lâoie ne craint pas les cris stridents ni le mouton les bĂȘlements, ne tâeffraye pas de la lame dâune foule insensĂ©e.â EpictĂšte, Sentences, LXXII 64 âDe mĂȘme que la foule ne doit pas tâembarrasser quand elle te demande confusĂ©ment ce qui tâappartient en propre, tu ne dois pas ĂȘtre troublĂ© face Ă une multitude qui tâembarrasse injustement.â EpictĂšte, Sentences, LXXIII 65 LâindiffĂ©rence, on le voit, est donc la rĂ©action appropriĂ©e, selon EpictĂšte, face aux critiques de lâinsensĂ©, de celui qui, en se contentant de juger le paraĂźtre, ne voit pas le bien vers lequel le philosophe dirige son choix de vie. Pour aider le progressant Ă ne pas ĂȘtre troublĂ© par les critiques injustifiĂ©es des autres, EpictĂšte rappelle la distinction entre la chose et le jugement quâil porte sur cette chose. En lâoccurrence, ce qui trouble le philosophe progressant, ce ne sont pas les jugements que les autres portent sur lui, mais le jugement quâil porte sur ce jugement de lâautre âSouviens-toi que ce qui tâoutrage, ce nâest ni celui qui tâinjurie ni celui qui te frappe, mais ton jugement qui te fait penser que ces gens tâoutragent. Donc quand quelquâun tâirrite, sache que câest ton jugement de valeur qui tâirrite.â Arrien, Manuel dâEpictĂšte, 20 Aucune Ă©motion nĂ©gative ne doit donc venir troubler le philosophe qui se trouve confrontĂ© aux critiques, dĂšs lors que son action est juste et que le jugement portĂ© sur lui est erronĂ©. Surtout, la critique de lâautre ne doit pas lâempĂȘcher de bien faire, ce sur quoi insiste EpictĂšte Ă plusieurs reprises dans le Manuel, reconnaissant ainsi les difficultĂ©s du progressant face Ă la critique rĂ©currente Ă son Ă©gard, et la tentation de ne pas montrer ce qui pourrait attiser la critique de lâautre âQuand tu fais quelque action aprĂšs avoir pris la dĂ©cision de la faire, ne cherche pas Ă Ă©viter dâĂȘtre vu en train de la faire, mĂȘme si la foule devait en juger autrement.â Arrien, Manuel dâEpictĂšte, 35 Le philosophe face aux critiques justifiĂ©es Nous avons vu quelle devait ĂȘtre la rĂ©action du philosophe face aux critiques injustifiĂ©es, ce sur quoi insiste particuliĂšrement EpictĂšte dans ses diffĂ©rents textes. Mais quâen est-il du jugement correct de lâautre sur moi? Comment doit rĂ©agir le philosophe? Faut-il, comme on pourrait le penser dans un premier temps, rester indiffĂ©rent, puisque lâopinion de lâautre ne dĂ©pend pas de moi? Ou bien faut-il, au contraire, profiter de cette critique pour essayer de sâamĂ©liorer, mieux se connaĂźtre soi-mĂȘme, prendre conscience de ses dĂ©fauts et y remĂ©dier? âSi quelquâun tâannonce quâun tel a dit du mal de toi, ne rĂ©fute pas ce que lâon a dit, mais rĂ©ponds âCâest certainement quâil ignorait les autres vices qui sont en moi, car autrement il nâaurait pas parlĂ© uniquement de ceux-lĂ .ââ Arrien, Manuel dâEpictĂšte, 33,9 Ici, EpictĂšte suggĂšre non seulement de ne pas ĂȘtre troublĂ© par les critiques des autres, mais de ne pas les rĂ©futer, soit parce quâelles sont vraies, soit parce quâelles sont mĂȘme en-deça de la vĂ©ritĂ©. Le travail sur soi que doit faire le philosophe stoĂŻcien face au jugement correct de lâautre nâest pas prĂ©cisĂ© ici, et comme je viens de le rappeler, EpictĂšte se concentre davantage sur les critiques injustifiĂ©es qui visent le philosophe. La citation de dĂ©part, nĂ©anmoins, suggĂšre trĂšs fortement lâattitude du philosophe face aux jugements nĂ©gatifs justifiĂ©s âNe rougis pas de ce qui vient de lâopinion, de mĂȘme, ne te soustrais pas Ă ce qui vient de la vĂ©ritĂ©.â EpictĂšte, Sentences, XIV 6 Jusepe de Ribera, Le philosophe au miroir 1652 Si aucune honte, aucun trouble ne doit rĂ©sulter dâune simple opinion, comme on lâa vu, le philosophe ne doit pas par contre se soustraire Ă la critique lorsque celle-ci est justifiĂ©e. Plus encore, le philosophe doit saisir cette opportunitĂ© pour mieux prendre conscience de ses vices, de ce quâil doit rĂ©former en lui pour devenir meilleur. Si la critique est juste, si le jugement de lâautre sur moi est vrai, je dois lâaccepter, ne pas fuir ce jugement, et remettre en question mon attitude, faisant ainsi le lien entre jugement de lâautre et jugement de soi. Ce que confirme Marc AurĂšle dans les PensĂ©es Si lâon peut me convaincre et me montrer que je juge ou que jâagis Ă tort, je serai content de changer; car je cherche la vĂ©ritĂ©, qui ne peut ĂȘtre un dommage pour personne; or celui qui persiste dans son erreur ou son ignorance subit un dommage.» Marc-AurĂšle, PensĂ©es, VI, 21 Du jugement de lâautre au jugement de soi Le jugement de lâautre, lorsquâil est justifiĂ©, doit donc conduire le philosophe Ă un exercice dâintrospection. Du jugement de lâautre au jugement de soi, il nây a quâun pas, quâEpictĂšte nâhĂ©site pas Ă franchir, en particulier lorsquâil dĂ©conseille au philosophe progressant de juger lâautre âNe prononce pas de sentence dans un autre tribunal que le tien, avant de tâĂȘtre justement Ă©valuĂ©.â EpictĂšte, Sentences, LVIII 50 Avant de juger qui que ce soit, il faut dâabord et avant tout se juger soi-mĂȘme, et dĂ©terminer ainsi ce qui, dans notre vie, doit ĂȘtre rĂ©formĂ© ou non. Devenir son propre juge voilĂ ce Ă quoi EpictĂšte nous invite ici. Il sâagit de passer du jugement de lâautre au jugement de soi, de se questionner soi-mĂȘme, de prendre le temps de se regarder en face et de se poser la question qui suis-je? Quelles sont mes qualitĂ©s, mes dĂ©fauts? Et comment puis-je changer? Socrate Ă droite et Alcibiade Ă gauche, dĂ©tail de lâEcole dâAthĂšnes, de RaphaĂ«l Le jugement de soi par soi, sâil nâest pas une tĂąche aisĂ©e, pourrait paraĂźtre le meilleur moyen de se connaĂźtre soi-mĂȘme, et le jugement de lâautre, en ce sens, nâĂȘtre que le point de dĂ©part dâun jugement de soi plus approfondi. Mais il nâest pas aisĂ© de se juger soi-mĂȘme en vĂ©ritĂ©, et le jugement de lâautre pourrait bien, chez les stoĂŻciens comme dans la majoritĂ© des Ă©coles philosophiques de lâAntiquitĂ©, ĂȘtre un Ă©lĂ©ment essentiel, un passage obligĂ© de la connaissance de soi. Câest pourquoi la figure du maĂźtre, ou du directeur de conscience, est si importante, Ă lâimage de Socrate guidant Alcibiade. Le progressant, pour EpictĂšte, a besoin du jugement du maĂźtre, de la mĂȘme maniĂšre que Lucilius a besoin des lettres de SĂ©nĂšque et de son jugement sur lui pour progresser dans le mode de vie philosophique. Le jugement que lâautre, en tant que maĂźtre, porte sur moi a donc un rĂŽle important dans mon progrĂšs spirituel vers une vie meilleure, comme le rappelle ce fragment des Entretiens â Quand Agrippinus Ă©tait gouverneur, il tentait de persuader ceux quâil avait condamnĂ©s quâil fallait quâils le soient. âCarâ, disait-il, â ce nâest pas comme un ennemi ni comme un brigand que je rends mon jugement contre eux, mais comme un curateur et un protecteur, de mĂȘme que le mĂ©decin rĂ©conforte le patient quâil opĂšre et le persuade de se livrer de lui-mĂȘme Ă lâopĂ©rationâ.â EpictĂšte, Fragments, XXII On voit bien ici, avec la mĂ©taphore mĂ©dicale, que le jugement de lâautre peut avoir une fonction thĂ©rapeutique, et aider le philosophe progressant Ă se connaĂźtre lui-mĂȘme, connaĂźtre ses vices ou ses dĂ©fauts, et se corriger lui-mĂȘme. Lâautre, dans ce cadre, peut avoir un rĂŽle crucial dans la transformation de soi que demandent lâactivitĂ© philosophique et la conversion au mode de vie philosophique. Le jugement de lâautre, loin dây rester indiffĂ©rent, le progressant doit donc en tenir compte dĂšs lors que celui-ci est vrai. Quâil vienne du maĂźtre ou de la foule, le jugement de lâautre peut et doit ĂȘtre lâoccasion, pour le progressant, de prendre conscience de ses vices et de se rĂ©former. CrĂ©dits photographiques Jâaccuse, par Lachlan Hardy, Licence CC BY; Jusepe de Ribera, Le philosophe au miroir 1652 ; Le Louvre-Lens, par OliBac, Licence CC BY. Citer ce billet MaĂ«l Goarzin, "Jugement de lâautre et jugement de soi le philosophe face aux critiques EpictĂšte â Septembre 2015". PubliĂ© sur Comment vivre au quotidien? le 3 dĂ©cembre 2015. ConsultĂ© le 17 aoĂ»t 2022. Lien
Faitesen un devoir de le rendre aussi beau que possible: il deviendra votre fidĂšle compagnon. Prenez lâhabitude dây Ă©crire vos pensĂ©es et dây Ă©laborer diffĂ©rents projets. Tenir un journal est lâune des choses qui vous permettent de mieux gĂ©rer votre stress et votre anxiĂ©tĂ©. 10 / 20. fizkes/Shutterstock.
Cours du 18 mars 05 Quâest-ce que le plaisir ? Le plaisir concerne lâexistence, dans son irrĂ©ductibilitĂ© il sâĂ©prouve. Mais cela ne suffit pas comme pour la douleur, sa question est celle dâune insistance. Car si la douleur reste au-delĂ du savoir, elle le fait pour elle-mĂȘme câest-Ă -dire pour rien, dans la nĂ©cessitĂ© que le sensible est pour lui-mĂȘme. Il en est de mĂȘme du plaisir, qui nâest pas plus quâelle connaissance ni lâestimation du plaisant ; de sorte quâon ne pensera leur distinction la douleur est un mal, le plaisir est un bien quâĂ reconnaĂźtre dâabord, sous le nom dâinsistance, une premiĂšre communautĂ© dâessence. Quâest-ce en somme quâune insistance distinguĂ©e ? telle est formellement la question Ă laquelle nous devons rĂ©pondre pour penser le plaisir. En quoi le plaisir est-il un bien ? La notion du bien est celle de la finalitĂ©, Ă©videmment, mais câest aussi celle de la reprĂ©sentation. Câest dâailleurs la dĂ©finition du bien moral, quâil soit identique Ă la reprĂ©sentabilitĂ© de son sujet. On parle de bien quand la nĂ©cessitĂ© quâun vivant est pour lui-mĂȘme se rĂ©alise, et il le fait Ă travers un moyen oĂč il se reprĂ©sente. Dire que le plaisir est un bien, câest dire dâune part quâil rĂ©pond Ă la nĂ©cessitĂ© que le sujet du monde est pour lui-mĂȘme â le plaisir sera donc le principe du service des biens â et dâautre part quâil le fait Ă chaque fois Ă travers des rĂ©alitĂ©s oĂč il se reprĂ©sente comme ayant Ă sâaccomplir. Sous le terme de bien, câest donc la corrĂ©lation de la finalitĂ© et de la reprĂ©sentation quâon entend, et câest de cette corrĂ©lation quâil sâagit dans le principe dit de plaisir, dont on peut dire quâil dĂ©finit le monde comme structure. Comme finalitĂ©, la nĂ©cessitĂ© qui dĂ©finit le bien ce qui doit ĂȘtre » est identique Ă la reconnaissance dâune valeur qui fasse horizon et par lĂ constitue en monde » son champ dâouverture. Câest le mĂȘme de dire que tout vivant est pour lui-mĂȘme sa propre fin vivre, câest vouloir vivre et de dire que tout vivant, de lui Ă lui, se trouve par lĂ mĂȘme avoir toujours dĂ©jĂ ouvert lâespace dâun monde. La finalitĂ© est la structure du monde comme tel on peut interprĂ©ter le platonisme comme thĂ©matisation de cette Ă©vidence. Le plaisir Ă©tant un bien, il revient au mĂȘme de dire quâil assure le rapport que le vivant est transcendantalement pour lui-mĂȘme ou quâil assure le monde dâĂȘtre le monde. La jouissance contredit le monde et nâest donc pas du cĂŽtĂ© du bien, alors que le plaisir en est lâassurance. Plus simplement principe de plaisir », principe de vie » ou principe de mondanĂ©itĂ© », câest pareil tout se ramĂšne Ă une nĂ©cessitĂ© qui, du sujet Ă lui-mĂȘme, se trouve par lĂ mĂȘme nĂ©cessitĂ© de comprĂ©hension. Il y a un plaisir de comprendre câest-Ă -dire de rĂ©duire lâaltĂ©ritĂ©, et inversement tout plaisir est une comprĂ©hension. Dans la comprĂ©hension, câest le sujet qui compte et non pas lâobjet, de sorte quâon peut la dire mue par le principe de plaisir. Concernant le plaisir lui-mĂȘme le gĂąteau que jâai du plaisir Ă manger mâassure quâen lui câest de moi comme sensibilitĂ© quâil allait depuis toujours en secret. Bref, le principe de plaisir consiste Ă dire que la vĂ©ritĂ© est lâaffaire exclusive du sujet en tant que, comme sensible, il est Ă lui-mĂȘme sa propre affaire. Il est tautologique, Ă propos de la vie et donc de la reprĂ©sentation, de parler de principe de plaisir ». Principe de plaisir ou nĂ©cessitĂ© transcendantale dâune dĂ©finition de la vĂ©ritĂ© en termes de reprĂ©sentation, câest la mĂȘme chose nĂ©cessitĂ©, pour lâĂ©tant, quâil soit de nature mondaine. Dans le plaisir le monde est assurĂ© comme tel, et dâabord contre lâaltĂ©ritĂ©. Le gĂąteau nâest un autre quâen apparence, puisquâil Ă©tait dĂ©jĂ fait de la nĂ©cessitĂ© que ma sensibilitĂ© Ă©tait depuis toujours pour elle-mĂȘme, sauf que, si lâon peut dire, il ne le savait pas. Quâil se mette Ă le savoir, pour garder la mĂȘme formulation, et câest le plaisir ! Bien sĂ»r le terme de savoir sâentend ici non pas comme la production dâun ordre idĂ©el quâil faudra se reprĂ©senter abstraitement, mais au sens oĂč il est impossible dâavoir mal, ou dâĂ©prouver du plaisir, sans le savoir sans en ĂȘtre la reconnaissance. Au-delĂ de la nĂ©cessitĂ© subjective de la comprĂ©hension des choses qui dĂ©finit la vie ici un aliment, lĂ un obstacle, au-delĂ mĂȘme de la nĂ©cessitĂ©, elle aussi subjective, de la comprĂ©hension que la vie est dâelle-mĂȘme dans lâĂȘtre du vivant, il va de son ĂȘtre, le plaisir est une inhĂ©rence de la reconnaissance de soi, de lâimplication de soi en soi. La douleur aussi, rappellera-t-on avoir mal, câest savoir quâon a mal. AssurĂ©ment. Sauf que lâopposition apparaĂźt quand on se demande oĂč se situe ledit savoir dans le sujet, ou dans lâobjet ? Si câest dans le sujet comme impossibilitĂ© de lâobjet, on est dans la douleur, comme on le voit avec lâexemple de la plaque chauffante qui passe du chaud au brĂ»lant. Mais ce pourrait aussi ĂȘtre dans lâobjet, comme dans lâexemple du gĂąteau dont le mangeur reconnaĂźt quâil impliquait depuis toujours en lui sa sensibilitĂ©. Tout plaisir apparaĂźt donc comme un plaisir de la retrouvaille celle de sa propre sensation qui sâentendait jusque lĂ Ă vide, privĂ©e de son objet et qui apparaĂźt comme la vraie nature de lâobjet⊠JâĂ©prouve du plaisir Ă manger quand je reconnais dans lâobjet ce savoir trĂšs particulier dont, comme sensibilitĂ©, je dĂ©couvre que jâĂ©tais fait depuis toujours, et que jâignorais la maniĂšre dont jâĂ©tais ma propre affaire. Je dĂ©couvre en effet mes goĂ»ts dans les mets qui me sĂ©duisent et je les aurais toujours ignorĂ©s si tel ami voulant me surprendre ou la carte de tel nouveau restaurant ne me les avait prĂ©sentĂ©s. Mes goĂ»ts Ă©taient donc indistinctement manque de leur objet et manque dâeux-mĂȘmes, et câest Ă partir de cela seulement que le plaisir peut ĂȘtre pensĂ©. Rien lĂ de trĂšs Ă©tonnant le goĂ»t nâest-il pas lâidentitĂ© du sentant mon palais et du senti le gĂąteau et par consĂ©quent, pour la rĂ©flexion dont la notion de plaisir est insĂ©parable,indistinctement lâaperception de soi par le sujet manquant et lâaperception de son objet trouvĂ© ? RĂ©flexion, justement. Le sujet du plaisir est le sujet de la rĂ©flexion celui du bien. La douleur procĂšderait de la mĂȘme indistinction ? Non. Tant quâon est en deçà , dans le froid, le tiĂšde et le chaud, il nây a assurĂ©ment pas de diffĂ©rence entre le ressenti de ma main et la qualitĂ© thermique de la plaque. Mais quand elle devient brĂ»lante, il nây a plus dâobjet ! La qualitĂ© dâĂȘtre brĂ»lante nâest pas propre Ă la plaque, ni dâailleurs celle dâĂȘtre brĂ»lĂ©e Ă ma main il nây a plus ni plaque ni main, au sens oĂč celle-ci nâest plus sentante mais simple lieu pour la douleur qui vaut pour elle-mĂȘme câest-Ă -dire pour rien. La douleur ne reprĂ©sente rien la douleur a seulement pour rĂ©alitĂ© que ça » irradie dans la main. Câest le rien â quâon distingue donc de lâindistinction du sentant et du senti â qui se mettait Ă valoir pour lui-mĂȘme, et donc Ă la fois contre le sujet et contre lâexistence. Dans le plaisir, au contraire, le sujet qui sâassure de lui-mĂȘme dans lâobjet est rĂ©assurĂ© je me rĂ©gale jâai bien fait de commander ce gĂąteau », comme est rĂ©assurĂ© le monde il y a tout de mĂȘme de bons restaurants dans cette ville ! » dans une finalitĂ© oĂč le premier moment quâen moi il aille de moi cause le second le monde est ouvert par la diffĂ©rence que je suis avec moi-mĂȘme. Lâobjet qui cause le plaisir assure donc le monde dâĂȘtre le monde dans le moment mĂȘme oĂč il atteste au sujet que les rĂ©alitĂ©s du monde, apprĂ©hendĂ©es dans la rĂ©paration de leur perte, sont faites du savoir de soi dont lui-mĂȘme est sensiblement fait, en tant quâil est sa propre affaire câest-Ă -dire son propre manque. Je rappelle quâĂȘtre sujet, câest avoir Ă ĂȘtre sujet. Cette affaire », on lâa donc compris, câest la perte de soi dont lâobjet du plaisir se dĂ©finit dâĂȘtre partiellement la rĂ©paration. Par lâobjet dont il fait la retrouvaille, le sujet qui manque de lui-mĂȘme se rĂ©pare partiellement, et câest cela qui constitue le plaisir comme un bien. Car si câest de sâattaquer au sujet comme tel, câest-Ă -dire en mĂȘme temps Ă travers la possibilitĂ© de lâobjet pure brĂ»lure et Ă travers la rĂ©cusation de la rĂ©flexion ça » fait mal et ma rĂ©flexion a perdu tout caractĂšre constituant, que la douleur est un mal, il apparaĂźt que le plaisir est un bien dâen ĂȘtre la rĂ©paration actuelle, la piĂšce », si lâon peut dire, Ă©tant cette nature que la sensibilitĂ© est depuis toujours dans son rapport Ă elle-mĂȘme et dont la sĂ©duction avoir envie du gĂąteau est en mĂȘme temps la mĂ©connaissance et la reconnaissance. Par quoi on mentionne lâespace de la reprĂ©sentation. Si lâon nomme classiquement jouissance » cette nature perdue quâon retrouve comme la rĂ©alitĂ© mĂȘme de lâobjet du plaisir, il faut dire que la jouissance est premiĂšre elle serait la nature du sujet mais aussi celle de lâobjet, car on ne jouirait jamais que de ce qui serait dĂ©jĂ en soi-mĂȘme jouissance et que le plaisir naĂźt de ce quâelle soit cantonnĂ©e dans lâobjet avec lequel le sujet est en rapport â ce rapport, ou mise Ă distance, Ă©tant la mondanĂ©itĂ© mĂȘme du monde. Il nây a de plaisir que mondain par opposition Ă la jouissance qui est toujours antimondaine, puisquâelle rĂ©cuse cette distance, et donc que comme assurance rĂ©ciproque du sujet et du monde depuis ce rapport du sujet Ă lâobjet. Plaisir que la rĂ©sistance de lâobjet pare Ă lâinsistance du vrai Contrairement Ă ce qui se passe dans la jouissance, il nây a de plaisir que par la distance. La distance, concrĂštement, câest dâabord que lâobjet rĂ©siste. Si lâobjet ne rĂ©siste pas, il nây a pas du tout de plaisir, mais sâil nâest que rĂ©sistance, comme dans lâexemple dâun breuvage amer, il nây en a pas du tout non plus. Bref, câest la rĂ©sistance elle-mĂȘme qui est appropriĂ©e, dans le plaisir, qui est un sentiment, câest-Ă -dire une rĂ©flexion, dâavoir cette appropriation pour objet originel. Les choses qui nous font plaisir le font donc au sens oĂč, en maintenant la distance et donc le manque, elles permettent quâon revienne rĂ©flexivement Ă soi. Tout plaisir est plaisir de la retrouvaille et ainsi de la constitution rĂ©currente dâun manque qui soit, comme nature secrĂšte de lâobjet et mĂ©connue du sujet, la reconnaissance que celui-ci, en tant que sujet, Ă©tait de son propre enjeu Ă lâextĂ©rieur de lui-mĂȘme. La question philosophique du plaisir apparaĂźt ainsi lâenjeu rĂ©el du sujet lui Ă©tait extĂ©rieur, il ne le savait pas, mais il le reconnaĂźt dans le moment mĂȘme oĂč il en nie lâaltĂ©ritĂ© le gĂąteau, on le mange. Telle est la leçon du plaisir, comme tension entre lâinsistance de lâexistant le goĂ»t du gĂąteau et lâappropriation subjective je le mange parce quâelle est une rĂ©flexion, câest-Ă -dire une appropriation de soi par soi la nature secrĂšte du gĂąteau â il faut le manger pour sâen rendre compte â est la nature mĂ©connue du sujet. Insistons sur cette appropriation de soi par soi que jâindique en opposant le goĂ»t secret du gĂąteau Ă la mĂ©connaissance de son propre goĂ»t par le sujet â indication qui mâest Ă©videmment suggĂ©rĂ©e par le double sens, objectif et subjectif, de la notion de goĂ»t ». Et certes, chacun sait quâavoir du goĂ»t, câest savoir goĂ»ter ce qui a du goĂ»t que la matĂ©rialitĂ© insistante du sensible, et prĂ©cisĂ©ment en tant quâinsistante il y a des choses qui nâont pas de goĂ»t elles ne sont que ce quâil y a Ă savoir quâelles sont, amĂšne le sujet Ă se tenir dans sa propre formalitĂ© rĂ©flexive. La question du plaisir renvoie ainsi Ă celle du sens que le sujet est, comme sujet, pour lui-mĂȘme â dont lâinsistance nâest pas la douleur mai la souffrance. Parce quâil concerne toujours une rĂ©alitĂ© qui vaut par sa signification et non pas par elle-mĂȘme, le plaisir renvoie Ă la souffrance plutĂŽt quâĂ la douleur. Câest la faim qui est douloureuse, par exemple, et non pas lâabsence du gĂąteau telle quâon la dĂ©couvre, ou plus exactement telle quâon la constitue rĂ©trospectivement, dans le plaisir quâon a de le manger. Cette absence est alors une souffrance quâil faut dĂšs lors considĂ©rer comme inhĂ©rente au plaisir lui-mĂȘme. Plus simplement lâobjet retrouvĂ© apparaĂźt par lĂ mĂȘme comme lâobjet perdu et que câest de soi comme souffrant depuis toujours de cette perte il sâagit bien dâune souffrance et non dâune douleur quâil est la satisfaction. Et si lâon Ă©prouve un plaisir particulier Ă manger quand la faim commence Ă nous tenailler, câest que cette douleur est aussi une souffrance un manque de sens il me faut des aliments or il nây en a pas que la rĂ©ponse en termes de plaisir Ă la question de la vie viendra combler. Dans la souffrance, câest le sens qui manque. Tout se passe donc comme si le plaisir comblait ce manque non pas avec du rĂ©el, comme quand on parle de la satisfaction du besoin, mais avec des rĂ©alitĂ©s qui suscitent la position imaginaire de soi inhĂ©rente Ă la mondanĂ©itĂ© de lâĂ©tant disponible je rappelle que le monde est lâordre de la comprĂ©hension, ou le domaine du signifiĂ©, ou de la disponibilitĂ© originelle de lâĂ©tant. Pour quâon parle de plaisir, il faudra donc que lâobjet produise un effet de restauration pour une existence subjective dont lâindĂ©fini renvoi de tout Ă tout ce quâon peut nommer le sens, par opposition Ă la signification est la perte. Lâimage la signification, la comprĂ©hension pare Ă ce renvoi et câest ce qui procure du plaisir. Sans image, pas de plaisir possible. La comprĂ©hension de lâobjet, prĂ©cisĂ©ment en tant que comprĂ©hension et donc institution de soi en sujet imaginaire, vient parer au manque. Câest le procĂšs de parer au manque de sens qui est le plaisir proprement dit â lequel ne rĂ©sout donc pas la souffrance, mais la repousse au sens oĂč lâimaginaire obture lâirrĂ©ductibilitĂ© de la vĂ©ritĂ© au savoir. Le plaisir ne rĂ©side absolument pas dans la rĂ©duction des tensions, non seulement parce quâil y a des tensions agrĂ©ables, ainsi que Freud lâadmet lui-mĂȘme, mais surtout parce que cette rĂ©duction, cause possible et non pas nature du plaisir, produit un retour du sujet Ă lui-mĂȘme â la tension Ă©tant au contraire un Ă©loignement de soi. Câest la retrouvaille de soi comme restauration de la dimension reprĂ©sentative des choses, dont on peut Ă la limite concevoir quâelles soient remplacĂ©es par leur hallucination comme dans lâexemple du sein pour le nouveau-nĂ©, que rĂ©side le plaisir sâil nây a Ă la limite que de lâhallucination, alors le sujet nâest rien dâautre que son propre imaginaire et câest dâavoir trouvĂ© dans le sein le chemin de cette autarcie que le bĂ©bĂ© le constitue en objet de plaisir. Le rapport Ă lâobjet du plaisir est expressĂ©ment un rapport de comprĂ©hension. Dans tous les sens du terme. Non seulement câest la dĂ©finition mĂȘme de lâagrĂ©able quâon le recherche pour importer du plaisir dans notre vie, mais encore lâappropriation elle-mĂȘme â avec la retrouvaille et donc la perte quâelle suppose â est un plaisir. Cela signifie quâil appartient au plaisir dâĂȘtre son propre redoublement, conformĂ©ment au concept du sensible qui nâest pas simplement sensible aux rĂ©alitĂ©s mais qui lâest dâabord Ă sa propre sensibilitĂ©. Un vivant est affectĂ© dâabord par ceci quâil sâaffecte lui-mĂȘme en Ă©tant affectĂ© par les rĂ©alitĂ©s extĂ©rieures. Le plaisir nâest pas seulement inhĂ©rent au compris lâagrĂ©able mais encore Ă la comprĂ©hension elle-mĂȘme dans laquelle le sujet est dĂšs lors assurĂ©, indistinctement par lâobjet et par lui-mĂȘme, dâĂȘtre sujet pour cette comprĂ©hension. Il y a donc une dimension reprĂ©sentative du plaisir, et câest pourquoi il sâentend expressĂ©ment Ă lâencontre de toute vĂ©ritĂ©. Je disais que la douleur ne peut ĂȘtre rĂ©flĂ©chie autrement que comme une menace il se peut toujours que cela devienne pire. Puisque le plaisir relĂšve de la mĂȘme insistance, il faut indiquer en quoi il consiste. Sa dimension rĂ©flexive en est indication il se peut toujours que cela devienne moins rĂ©el. Je veux dire quâil appartient Ă tout plaisir de nous mettre sur la pente de lâhallucination, et quâon ne le comprendrait pas sans cette nĂ©cessitĂ© dont le paradoxe est quâelle concerne lâexistence comme telle â autrement dit la rĂ©sistance de lâobjet Ă sa comprĂ©hension. Car lâobjet du plaisir nâest pas un simple existant, mais câest un insistant au sens oĂč son existence sâentend contre sa comprĂ©hension, laquelle se dĂ©ploie actuellement elle-mĂȘme comme objet originel du plaisir pour cette raison, prĂ©cisĂ©ment. LĂ mĂȘme oĂč lâindĂ©pendance de lâobjet insiste contre une comprĂ©hension qui interdirait, Ă la limite, de distinguer le rĂȘve et la veille, sâimpose lâĂ©ventualitĂ© quâil ne sâagisse finalement plus que de reprĂ©sentation. Câest que la finalitĂ© est insĂ©parable du plaisir, comme tout le monde sait, mais lâessentiel est pour nous dâindiquer que cette finalitĂ© est en quelque sorte rĂ©gressive, puisque la fin du plaisir est lâhallucination lâexistence de lâintuitus intellectus oĂč il nây aurait pas de diffĂ©rence entre concevoir et intuitionner et oĂč lâintuition serait lâassurance que le sujet se donnerait actuellement Ă lui-mĂȘme de sa rĂ©alitĂ© de sujet. Les notions de plaisir, de finalitĂ© et de mondanĂ©itĂ© sont en stricte corrĂ©lation, et la rĂ©fĂ©rence au dieu dâAristote et Ă son statut de cause finale est particuliĂšrement propre Ă Ă©clairer cela. En toute rĂ©alitĂ© agrĂ©able, il sâagit quâelle finalise le monde. Mais en quoi consiste cette finalitĂ© ? RĂ©ponse en ce que lâinsistance qui constitue lâobjet du plaisir sans elle la comprĂ©hension ne serait pas un acte de rĂ©duction ne diffĂšre plus de son intuition, puisquâen cet objet ne compte que le plaisir quâil importe, justement, et non pas lui-mĂȘme. Il appartient donc au monde dâĂȘtre finalisĂ© sur un accomplissement divin » du sujet Ă lâhorizon des finalitĂ©s se profile lâĂ©ventualitĂ© que rien ne compte que soi comme sujet sensible. Ce qui revient bien Ă rassembler dans cette sensibilitĂ© Ă la fois la conception et lâintuition. Câest pourquoi il appartient bien au plaisir dâĂȘtre finalisĂ© sur lâhallucination, comme on le voit dans lâexemple du nouveau nĂ© pour qui rien ne compte que lui-mĂȘme comme ĂȘtre sensible, comme ĂȘtre originellement autoaffectĂ© avant de lâĂȘtre par des rĂ©alitĂ©s qui, de toute façon, ne comptent pas par exemple la mĂšre ou lâhallucination de la mĂšre, pour lui, câest Ă©quivalent. Tel est lâhorizon constitutif du plaisir rĂ©sorber lâinsistance dont il procĂšde, comme la douleur oĂč sâen Ă©prouve lâirrĂ©ductibilitĂ©, et faire que rien ne compte que soi. Les ĂȘtres vouĂ©s au plaisir nous donnent cette figure extrĂȘme de la misĂšre quâils aient rĂ©ussi Ă bannir jusquâĂ lâĂ©ventualitĂ© que la notion de vĂ©ritĂ©, et donc celle dâĂȘtre mis au pied de son propre mur de sujet, puisse avoir un sens. Non seulement le vrai ne dĂ©pend pas des alĂ©as de notre comprĂ©hension, mais surtout ce nâest pas dâelle quâil dĂ©pend pour ĂȘtre vrai câest dâune autoritĂ© dont la comprĂ©hension est par dĂ©finition bannie, puisquâon ne peut pas plus comprendre quâon autorise lâartiste ne signe quâen Ă©trangetĂ© radicale Ă lui-mĂȘme quâon ne peut comprendre, pour ce qui sâimpose comme vrai, quâil le fasse. Et certes, sâil y a des raisons Ă la vĂ©ritĂ©, alors il nây a pas dâautoritĂ© et ce nâest donc pas la vĂ©ritĂ© pas de dĂ©cision singuliĂšre mais seulement un choix commun. Personne nâa jamais ignorĂ© que le principe de plaisir » Ă©tait Ă©thique avant dâĂȘtre descriptif, et quâil Ă©tait la constitution Ă©thique du commun en tant que tel, par opposition au singulier oĂč la question est toujours celle de sâautoriser de soi. Que le plaisir, par la saturation dâimaginaire quâil engage, rĂ©ponde Ă la souffrance et non pas Ă la douleur, câest ce quâon indique Ă©galement en disant quâil nây a de plaisir que du sens â tel que lâunitĂ© de lâimage peut brusquement le saturer. Pas de plaisir sans image, je viens de le dire, et pas dâimage sans que le sens ne soit obnubilĂ© par lâĂ©cran et par lâinstantanĂ©itĂ©. Bien entendu les images quâon pourrait dire vraies » sâentendent de dĂ©construire dâabord cette premiĂšre nĂ©cessitĂ© elles surprennent par un point dâabsence qui les travaille secrĂštement, mais dont on pourrait dire que la fonction de lâimaginaire, et donc de lâĂ©ventuel plaisir, est de lâeffacer. Car les vraies images ne sont agrĂ©ables quâen tant quâimages câest par exemple un paysage paisible dans lequel on imagine quâon pourrait vivre, leur vĂ©ritĂ© passant dĂšs lors par une dĂ©ception de cet agrĂ©ment, par la mise en Ă©vidence quâil reposait sur un malentendu âŠet brusquement, on aperçoit dans un coin un personnage qui regarde fixement le spectateur !, mise en Ă©vidence Ă partir de quoi seulement on pourra parler de vĂ©ritĂ©. On le fera hors dâun plaisir qui ne subsistera que comme un moment non vrai, ou alors comme une parade de second degrĂ©, comme dans le plaisir paradigmatique de lâintellectuel satisfait dâavoir dĂ©codĂ© le tableau, et par lĂ dây avoir Ă©chappĂ© il a Ă©tĂ© un en tant que » par exemple un professeur brillant alors que le tableau le mettait au pied de sa responsabilitĂ© de sujet â puisquâil le sommait de dĂ©cider de son statut dâĆuvre câest-Ă -dire de chose vraie, hors de toutes les raisons qui en disaient la plus ou moins grande valeur. Nâoublions pas en effet que du tout venant des productions Ă lâĆuvre, la diffĂ©rence nâest pas de degrĂ© mais dâautoritĂ©. Le plaisir esthĂ©tique, pour rester dans le fil de cet exemple, a expressĂ©ment pour fonction de barrer cette nĂ©cessitĂ© quand je reconnais en moi la disposition rĂ©pondant Ă la nĂ©cessitĂ© dans laquelle une certaine Ćuvre est supposĂ©e ĂȘtre plaire universellement, je mâestime quitte de la question de la vĂ©ritĂ©. Et certes jâĂ©prouve sur le mode de la lĂ©gitimation que je suis nâimporte qui le propre du beau, câest bien quâil ait Ă plaire Ă nâimporte qui au sujet de la rĂ©flexion lĂ oĂč, comme vraie câest ce quâa produit un auteur, lâĆuvre me sommait de changer ma vie », câest-Ă -dire, prĂ©cisĂ©ment, de cesser de trahir ma propre singularitĂ© â la promesse que je suis depuis toujours sans le savoir. On aperçoit donc la fonction mĂ©taphysique du plaisir que lâirrĂ©ductibilitĂ© de la vĂ©ritĂ© au savoir soit occultĂ©e par le rapport Ă lâobjet, en tant que ce rapport se met Ă valoir pour lui-mĂȘme â puisque câest la comprĂ©hension avant le compris qui est lâobjet originel le plaisir est un sentiment. En quoi nous retrouvons la structure qui rend la douleur intelligible que le sensible soit affectĂ© par le fait mĂȘme dâĂȘtre sensible avant de lâĂȘtre par lâobjet. Sauf quâici il sâagit non pas de la douleur mais de la souffrance, oĂč en effet le sensible sâest toujours dĂ©jĂ affectĂ© lui-mĂȘme. Dans le plaisir il sâagit que lâimaginaire pare au non sens comme place du sujet en acte. Le sujet de la comprĂ©hension nâest pas ce sujet, puisquâon nâest sujet que sans le savoir et que lâĂ©vidence de lâavoir Ă©tĂ©, dans les dĂ©cisions, nâapparaĂźt quâaprĂšs coup. Etre consciemment sujet, comme on lâest dans ses choix dont le principe de plaisir est toujours le moteur, câest ĂȘtre un semblant de sujet quâon ait parĂ© Ă lâĂ©ventualitĂ© que le savoir soit faillĂ©. Disons-le autrement la fonction du plaisir est de parer, pour le sujet, Ă sa propre impossibilitĂ© â qui est son existence mĂȘme de sujet, par opposition Ă sa vie de semblant. Car tel est lâenjeu du principe de plaisir », dont on peut dire en ce sens quâil est lâordre a priori du monde comme tel quâil nây ait pas de vrai !Et le vrai, forcĂ©ment, il insiste Ă la comprĂ©hension. La rĂ©sistance de lâobjet qui conditionne le plaisir doit donc, pour nous, se penser Ă lâencontre de lâinsistance du vrai dans la vie. Câest pourquoi il convient de rapporter la question du plaisir non pas Ă celle de la douleur, comme on aurait pu lâimaginer en pointant une opposition triviale, mais bien Ă celle de la souffrance. La vĂ©ritĂ© et la finalitĂ© qui dĂ©finit le plaisir sâexcluent. Cela ne veut Ă©videmment pas dire quâil faut Ă©viter le plaisir puisquâil est le principal des biens, mais que le principe de plaisir » nomme lâexclusivitĂ© Ă la vĂ©ritĂ© propre. Dire que nos vies sont gouvernĂ©es par le principe de plaisir, câest dire quâelles sont Ă chaque fois la vie de nâimporte qui ou, si lâon prĂ©fĂšre, quâelles sont sans vĂ©ritĂ©. Le surcroĂźt comme distinction de lâinsistance La douleur insiste parce quâelle excĂšde lâexistence et que câest justement cet excĂšs, la puretĂ© du rapport qui nâest plus rapport parce quâil nây a plus de termes qui se rapporteraient lâun Ă lâautre la plaque, la main, qui la constitue comme mal elle vaut en quelque sorte pour elle-mĂȘme, câest-Ă -dire pour rien, depuis lâen deçà de lâexistence. La condition premiĂšre du plaisir Ă©tant la rĂ©sistance de lâobjet, on parlera de la mĂȘme insistance, en ce qui le concerne. Dâun autre cĂŽtĂ©, la dynamique du plaisir est quâil tende Ă lâhallucination, Ă ce que lâexistence ne compte plus. Eh bien, câest Ă partir de cette contradiction quâil faut penser la rĂ©alitĂ© du plaisir, qui ne sâestime mais qui sâĂ©prouve et dont la limite serait â non sera â que les choses agrĂ©ables ne soient plus rien dâautre, dans leur rĂ©alitĂ©, que des stimulations cĂ©rĂ©brales. Identique Ă sa propre insistance, le plaisir est le rĂ©el de cette contradiction. On devine ce qui est en cause ici le fameux surcroĂźt » dont nous parle Aristote en pointant que lâaccomplissement de lâaction est, en plus, surajoutĂ©e pour rien Ă sa perfection, le plaisir qui couronne ainsi lâeffectuation de lâagent comme agent. Tout le monde est dâaccord sur cette observation, qui vaut notamment pour le plaisir de travailler alors que la notion de travail est au contraire plutĂŽt celle de la peine. Or on mĂ©connaĂźt habituellement ce qui est impliquĂ© lĂ que le plaisir est paradoxalement exclusif de la finalitĂ© ! Car enfin, câest lâaction qui est faite de finalitĂ©, et lui, il vient en plus. Pour rien, donc. Le plaisir a pour caractĂšre paradoxal dâĂ©chapper Ă la finalitĂ© qui le constitue pourtant. Ainsi la question de la nature du plaisir rĂ©pond-elle Ă celle de sa rĂ©alitĂ© que je viens dâindiquer. Et certes, la nature du plaisir ne saurait sâentendre extĂ©rieurement Ă sa rĂ©alitĂ©, puisque le plaisir, câest quâon Ă©prouve du plaisirâŠBref, mon idĂ©e est quâĂ lâexcĂšs de lâexistence qui dĂ©finit la douleur correspond un excĂšs Ă lâessence pour la plaisir, prĂ©cisĂ©ment en tant quâil nây a pas dâessence du plaisir sinon comme celle de lâĂ©preuve de lâidentitĂ©, Ă travers la retrouvaille dont on a parlĂ© entre une sensibilitĂ© secrĂšte de lâobjet et une sensibilitĂ© mĂ©connue du sujet. Entendons-nous je ne suis pas en train dâimaginer on ne sait quelle hypostase qui, sous le nom dâessence, aurait assez de rĂ©alitĂ© et une rĂ©alitĂ© toute mĂ©taphysique ! pour ĂȘtre excĂ©dĂ©e par quelque chose qui, dâĂȘtre Ă©prouvĂ© et non pas jugĂ©, relĂšve assurĂ©ment de lâexistence. Je parle ici de la rĂ©sistance de lâobjet au sujet, dans et au-delĂ de la communautĂ© de nature dont le plaisir est la reconnaissance je reconnais comme la nature secrĂšte du gĂąteau le rapport de sensibilitĂ© que jâĂ©tais avec moi-mĂȘme, mais cette reconnaissance est une Ă©preuve et non un jugement, en ce sens que cette nature secrĂšte du gĂąteau, je ne puis la reconnaĂźtre quâĂ la mĂ©connaĂźtre, puisque câest bien du gĂąteau quâil sâagit, et pas de moi. La rĂ©sistance du gĂąteau, qui existe bien en lui-mĂȘme et nâest en rien comparable Ă une annexe de mon palais, a ma propre mĂ©connaissance de sa nature secrĂšte » pour rĂ©pondant. Câest dâĂȘtre sĂ©parĂ© de cette nature qui est pourtant la mienne que je dois lâĂ©prouver et non pas simplement la reconnaĂźtre comme je reconnais de loin une personne dans la rue. Le plaisir est une Ă©preuve de la division subjective en mĂȘme temps quâil est lâexpĂ©rience de sa rĂ©paration. A propos de lâobjet cette Ă©preuvequâon fait du mĂ©connu en tant que tel est en mĂȘme temps lâexpĂ©rience de sa reconnaissance. Tel est donc le secret, qui permet enfin de penser ce surcroĂźt » dont nous avons compris quâil correspond Ă lâinsistance de la douleur au-de lĂ de chacun des termes du rapport brĂ»lure comme rapport entre un brĂ»lant et un brĂ»lĂ©, alors quâil nây a plus de plaque et que la main est un pur lieu. LâĂ©preuve et lâexpĂ©rience, comme je lâai dit souvent, sont exclusives lâune de lâautre et jâai lâhabitude de lâindiquer en rappelant que lâĂ©preuve marque alors que lâexpĂ©rience enrichit. Eh bien dans le plaisir, on ne niera pas quâon ait quelque chose comme un enrichissement et, contrairement Ă ce qui se passe dans la douleur, absolument pas une marque si le plaisir marque, câest quâil Ă©tait en mĂȘme temps, et le plus souvent de maniĂšre inconsciente, jouissante on a Ă©tĂ© subverti de jouir. Dâun autre cĂŽtĂ©, il nây a de plaisir que par la rĂ©sistance de lâobjet, et donc que par lâĂ©preuve quâon fait de son altĂ©ritĂ©. AltĂ©ritĂ© pure, par consĂ©quent, et expressĂ©ment rĂ©flexive. Kant nous a faire reconnaĂźtre la nĂ©cessitĂ© de maintenir la dimension rĂ©flexive du plaisir. Jâen dĂ©duis que lâĂ©preuve ne concerne absolument pas lâobjet, mais â dans la pure rĂ©flexion, donc â son altĂ©ritĂ©. Lâobjet, lui, on nâen fait pas lâĂ©preuve on en fait lâexpĂ©rience. Or comme il nây a pas de rĂ©flexion de la nature de lâobjet, tout entiĂšre mobilisĂ©e quâest la rĂ©flexion par lâaltĂ©ritĂ© en tant que telle, autrement dit par la rĂ©sistance dudit objet, cette expĂ©rience qui devrait donner lieu Ă un savoir ne le fait Ă©videmment pas. Reste donc un enrichissement, qui est le reste rĂ©flexif de lâexpĂ©rience, mais qui nâest pas un savoir, puisquâil nây a pas de position pour soi de la nature de lâobjet. LâexpĂ©rience enrichit Ă cause de sa dimension rĂ©flexive, et ici la rĂ©flexion ne trouve rien qui la dĂ©termine le plaisir ne fait pas connaĂźtre. Eh bien je propos de voir dans cet enrichissement pur â quâon pourrait aussi dĂ©signer Ă travers lâoxymore dâune expĂ©rience sans le savoir » la nature propre du plaisir. Jâinsiste sur lâidĂ©e dâoxymore une expĂ©rience est une mobilisation de savoir en vue dâun surcroĂźt de savoir. Eh bien je dis que câest expressĂ©ment de ce surcroĂźt quâil sâagit dans lâindication donnĂ©e par le Philosophe le surcroĂźt du savoir rĂ©sultant sur le savoir mobilisĂ©, sauf quâici, la rĂ©sistance de lâobjet Ă tout savoir le plaisir ne se donne pas Ă penser mais Ă Ă©prouver non dans le concept mais dans lâexistence fait de ce surcroĂźt un pur surcroĂźt. Ce que jâindique donc en parlant dâexpĂ©rience sans le savoir. Nul ne peut nier que le plaisir, qui nâenseigne rien de la nature des choses, ne soit un bien quâon ait Ă sâapproprier. Une richesse, donc ce qui reste de lâexpĂ©rimenté⊠quand le savoir ne compte pas alors mĂȘme quâon est en train de lâidentifier Ă la vĂ©ritĂ© puisquâon est dans lâhorizon de lâexpĂ©rience. On ne peut donc suivre entiĂšrement Aristote qui dit que le plaisir vient par surcroĂźt celui-ci nâest pas la modalitĂ© de sa survenue le plaisir, qui reste alors impensĂ©, viendrait on ne sait dâoĂč ni pourquoi pour couronner lâaction accomplie mais sa nature mĂȘme la distinction actuelle de lâĂ©preuve et de lâexpĂ©rience. Dans un vocabulaire diffĂ©rent, je forgerais alors la notion de secondaritĂ© de la jouissance ». A mon avis, cette dĂ©finition serait juste elle indiquerait que la jouissance est originaire et que le plaisir sâentend dâune secondaritĂ© conquise sur elle, dans lâexclusivitĂ© Ă la dĂ©termination dont elle est littĂ©ralement faite et que la rĂ©flexion reprendrait alors. Mais elle me semble trop abstraite. Ayant pensĂ© le plaisir Ă partir de lâinsistance propre Ă la douleur et lâayant rapportĂ© Ă la souffrance, je prĂ©fĂšre articuler sa dĂ©finition Ă la question du savoir, telle quâelle apparaĂźt dans les paradoxes de la rĂ©flexion qui est Ă la fois Ă©preuve et reconnaissance. Je parle donc de lâĂ©cart, dont la subjectivitĂ© est forcĂ©ment faite dâoĂč le principe de plaisir » comme nĂ©cessitĂ© transcendantale, entre lâĂ©preuve et lâexpĂ©rience. VoilĂ . Je pense avoir rĂ©pondu aux principales questions que posait la notion de plaisir. Nous reviendrons Ă la souffrance dans les prochaines sĂ©ances. Je vous remercie de votre attention.
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action faite de soi meme sans reflexion